Abed Charef
Netanyahou a décidé, seul, de bombarder l’Iran. En lançant cette agression, il a forcé la main à Donald Trump, le contraignant à intervenir à son tour, et à faire ce qu’Israël seul ne pouvait faire.
C’est la fable que tente de vendre la communication occidentale après l’agression israéliennes du 13 juin contre l’Iran, puis les bombardements décidés par le président américain contre les sites nucléaires iraniens le 22 juin. Une communication rodée, efficace, malgré quelques ratés occasionnels.
Cette rhétorique s’adresse à l’opinion occidentale, exclusivement. Celle des pays du sud ne compte pas. Cette propagande primaire se limite également au grand public. Dans les cercles de pouvoir et de décision, ce type de discours est pris pour ce qu’il est: un moyen de gérer l’opinion, sans aucun lien avec le réel.
Complicité totale
Car dans les faits, Israël ne peut pas attaquer l’Iran sans le soutien des Etats-Unis. Il ne s’agit pas seulement d’informer les dirigeants américains à l’avance, mais d’avoir leur accord pour mener l’agression, une validation du plan d’attaque, une participation dans des secteurs non totalement maîtrisés, et un soutien éventuel au cas où ça tourne mal.
Vues sous cet angle, les péripéties concernant un président américain qui hésite, qui n’a pas encore pris de décision, qui promet de trancher dans les deux semaines, qui veut négocier tout en essayer de manipuler les dirigeants iraniens, relève de la petite anecdote; des agissements futiles, sans intérêt réel.
Car une décision aussi importante qu’une attaque contre l’Iran se prend des semaines, des mois à l’avance. Il y’a un dispositif militaire, diplomatique, économique, politique, de riposte et d’évaluation qui doit être mis en place au préalable. Il y’a des partenaires à informer, soit pour les impliquer, soit pour leur demander de rester à l’écart. L’Allemagne, la France, la Grande Bretagne étaient forcément au courant de l’attaque. La Russie aussi, probablement.
La preuve, pour les pays de l’OTAN, est donnée par leur réaction, pratiquement dans les mêmes termes. Le 13 juin, Allemands, Français et Britanniques ont tous affirmé le droit d’Israël à ses défendre, alors que c’est Israël qui attaquait l’Iran. Ils ont aussi appelé à éviter une «escalade», ce qui signifie inviter l’Iran à subir les attaques israéliennes sans réagir.
Après les bombardements américains, ces mêmes pays ont demandé à l’Iran «de ne pas entreprendre d’autres actions susceptibles de déstabiliser la région». Belle manière d’inviter l’Iran à abdiquer, et de renverser les rôles: l’Iran n’a attaqué personne, il pas de programme nucléaire militaire, il a signé le traité de non prolifération, ses installations sont contrôlées par l’AIEA; en face, Israël a refusé de signer le traité de non prolifération, il possède l’arme nucléaire, il agresse l’Iran, qui subit également les bombardements américains, mais c’est Téhéran qui se trouve en position d’accusé!
Objectifs stratégiques
Mais ce n’est là qu’un aspect de la question. Le plus dur, pour les iraniens, est ailleurs. Il s’agit de lire la démarche stratégique des Etats-Unis, à laquelle est associée Israël, pour faire face de la manière la plus efficace en vue de préserver l’intégrité, la stabilité et la sécurité du pays.
Quel est l’objectif stratégique des Etats-Unis concernant l’Iran? S’agit-il de vassaliser ce pays, comme ce fut les cas de la plupart des pays du Golfe et du Maroc ? S’agit-il de le neutraliser, comme l’Egypte? S’agit-il de détruire ce pays, comme ce fut le cas de l’Irak, de la Syrie, et de la Libye?
Le discours américain est fluctuant. Pendant longtemps, leur démarche, appuyée sur les analyses de la CIA selon lesquelles l’Iran n’avait pas de projet de bombe nucléaire, était d’éviter une attaque contre l’Iran.
En juin 2025, la donne a changé. Alors que l’analyse de la CIA selon laquelle il n’y a pas de projet nucléaire iranien est toujours valide, les Etats-Unis ont bombardé l’Iran. Ce qui prouve que l’agression est sans rapport avec le nucléaire iranien.
Dans le même temps, un nouveau discours apparu. Le président Donald Trump et les dirigeants israéliens ont commencé à parler d’un changement de régime en Iran. On sait ce que cela signifie. Irak, Libye, Syrie, Palestine en sont témoins: il s’agit de détruire un pays, sous prétexte de changer le pouvoir.
Pour l’Iran, c’est le véritable enjeu.