Abed Charef
Depuis le FLN-ALN, aucun mouvement de résistance arabe n’a fait preuve d’autant de résilience que le Hamas Palestinien. Aucun mouvement soumis à une pression et une répression aussi fortes, n'a montré un sens de l’organisation aussi développé, une rigueur doctrinale aussi solide, et, surtout, aucun n’a réussi à préserver une cohérence et une structure de commandement aussi efficaces dans un environnement international aussi hostile.
L’opération «Déluge Al-Aqsa» lancée le 7 octobre 2013 préfigurait cette évolution. Concevoir, organiser et mener une opération aussi complexe dans un environnement aussi difficile, relevait du miracle. Préserver le secret sur une opération impliquant 1.200 hommes sur un tout petit territoire soumis à un blocus impitoyable depuis des décennies, surveillé à partir du ciel, de la terre et de la mer, encadré par un dispositif électronique ultra-sophistiqué, lequel était géré par des services de renseignement réputés parmi les plus performants au monde, tout cela montrait un degré de maturité inconnu jusque-là dans les mouvement de résistance arabes, y compris au sein de l’OLP à ses grandes heures.
Un succès politique
La clé de ce succès relève pourtant du politique, pas du militaire. Car au départ, le Hamas voulait atteindre des objectifs politiques: replacer la question palestinienne au cœur du conflit du Moyen-Orient, mettre fin au processus de normalisation et faire des prisonniers pour négocier leur libération contre les milliers de palestiniens détenus dans les prisons israéliennes.
Le prix a été élevé, mais en plus de ces objectifs, le Hamas a atteint un autre résultat, encore plus inattendu: détruire l’image d’Israël aux yeux de l’opinion occidentale. L’image du petit État, le seul démocratique dans la région, menacé par de méchants arabes, a volé en éclats. Israël apparaît désormais aux yeux de la majorité des occidentaux pour ce qu’il est: un État génocidaire, dont les dirigeants sont inculpés par la Cour Pénale Internationale et poursuivis pour crimes de guerre. Quant à la société israélienne, elle est devenue majoritairement fasciste, raciste, suprématiste, vivant pour la violence, bafouant la légalité internationale et traitant d’antisémite toute personne, organisation ou gouvernement qui refuse le crime israélien.
Points forts
Dans l’adversité, le Hamas a révélé sa force sur quelques points. Il a préservé sa matrice politique, ne se laissant entraîner ni dans la surenchère ni des négociations inutiles, et ce malgré la disparition des dirigeants les plus importants. La mort du premier Chef politique et du premier Chef militaire n'a pas eu d'impact sur les choix du mouvement.
Plus complexe encore, le Hamas a préservé une chaîne de commandement d’une grande efficacité, dans des conditions impossibles, y compris dans les pires moments. Les dirigeants de l’intérieur et les négociateurs installés à l’étranger partageaient la même matrice, tenaient le même discours, sans jamais le moindre incident. Les groupes de la résistance obéissaient de manière stricte à leur hiérarchie, les pertes en hommes n’ayant pas d’impact significatif sur les structures de l’organisation.
La préparation minutieuse de l’opération, avec toute sa logistique, notamment les fameux tunnels, a eu des résultats insoupçonnés. Les hommes du Hamas ont fait preuve d'une discipline remarquable. Les révélations, à posteriori, sur le comportement des unités chargées de surveiller les prisonniers israéliens révèlent un sens de la discipline inégalé.
Mais le fait le plus notable est que le Hamas a conservé son autonomie de décision, ne se laissant à aucun moment infléchir ni par les pressions «amicales», ni par les menaces, ni par la succession ininterrompue de tragédies pendant deux ans. En faisant preuve d’un sens du sacrifice aussi élevé, et d’une détermination aussi forte, le Hamas a changé le cours de l’histoire, même s’il a échoué sur un point important: entraîner l’ensemble des mouvement palestiniens dans la résistance, ce qui aurait mis au second plan son ancrage idéologique.
Mais parler aujourd’hui de désarmer ce mouvement, de l’éliminer, relève de l’illusion, voire de la bêtise.