الحراك الإخباري - Les trois faiblesses de l’Iran
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Les trois faiblesses de l’Iran

منذ 4 ساعات|الأخبار


Abed Charef

Dans sa confrontation avec Israël, l’Iran a révélé trois faiblesses importantes. Deux d’entre d’entre elles sont parfaitement compréhensibles, car elles relèvent de l’histoire récente, de la géopolitique et de l’idéologie. Par contre, la troisième est assez surprenante pour un pays supposé fermé, bunkérisé, rôdé à ce genre d’exercice par un demi-siècle de boycott, de sanctions et d’hostilité généralisée de la part des pays occidentaux.

Dès le premier jour de l’agression israélienne du 13 juin 2025, l’Iran perdait des personnages importants de son dispositif militaire et scientifique. Parmi les victimes, on comptait le chef d'état-major des forces armées, Mohammed Bagheri, le chef du corps des Gardiens de la Révolution, Hossein Salami, le chef de la Force aérospatiale des Gardiens de la Révolution, Amirali Hajizadeh, ainsi que neuf scientifiques de haut niveau, parmi lesquels Fereydoon AbbasiDavani, ancien directeur de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique. Deux jours plus tard, le chef du renseignement des Gardiens de la Révolution, Mohammad Kazemi, était à son tour assassiné.

Comment un pays en situation de guerre imminente ou déclarée, menacé depuis des décennies, ayant déjà fait l’objet d’agressions américaines et israéliennes, comment peut-il se montrer si négligent dans dans la protection de personnages aussi importants?

C’est à-prioiri un véritable mystère. Évidemment, Israël et ses amis ont attribué cela à une habileté hors normes du Mossad, un service de renseignements si performant qu’il n’a pas pu détecter les prémices de l’attaque du 7 octobre 2023, une attaque organisée pendant des mois par plusieurs centaines d’hommes sous le regard des satellites et des drones israéliens.

Dans la foulée de la glorification du Mossad, des «experts» ont présenté l’Iran comme une sorte de gruyère où les services secrets israéliens agissaient à leur guise. Un discours insidieux sur des trahisons internes, réelles ou supposées, s’est ensuite développé, menaçant d’aggraver le doute et la suspicion, poisons mortels dans ce type de situation. Ceux qui, en Algérie, ont vécu ou étudié l’histoire de la bleuïte connaissent les ravages que cela peut provoquer.

Le Mossad protège ses amis

La réalité est cependant plus complexe. Quitte à se répéter, les services secrets israéliens n’auraient jamais pu faire, seuls, ce qu’on leur attribue. La plupart des pays occidentaux collaborent avec eux, d’une manière ou d’autre, fournissant du personnel, des documents, des informations, du matériel d’écoute et de surveillance. Le fait de tout attribuer au Mossad permet à la fois d’en glorifier le mythe, et de protéger les véritables acteurs du renseignement en Iran, les nombreux amis d’Israël.

Ensuite, il y’a évidemment une défaillance interne dans la conception et la gestion du dispositif de sécurité iranien. Des défaillances aussi nombreuses, à ce niveau, et à répétition, ça pose un véritable problème.

A titre d’exemple, la sécurité d’un chef d’état-major de l’armée est si précieuse qu’en période de crise, ou de guerre, elle devrait passer avant même celle du chef de l’exécutif. Protéger les patrons d’une armée et des services de sécurité n’a pas pour objectif de sauver la vie de personnes privilégiées, mais de protéger la chaîne de commandement du système de défense, élément vital en situation de crise ou de guerre.

Négligences en série

Des négligences iraniennes, il y’en a eu à la pelle. L’assassinat de Ismaïl Hanyeh, dirigeant du Hamas tué par les israéliens il y’a deux ans à Téhéran, et celui du général Soleïmani, ancien chef des gardiens de la révolution, à Baghdad, montraient déjà des défaillances évidentes dans le dispositif iranien, défaillances qui n’ont visiblement pas été corrigées.

Les autorités iraniennes ont aussi manqué de rigueur dans les relations avec l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), un organisme qui, selon l’ancien colonel suisse du renseignement Jacques Baud, ne présente pas «les qualités de rigueur requises» en termes de neutralité: un euphémisme pour dire que l’AIEA est en réalité un nid d’espions. Selon Jacques Baud, c’est par ces fonctionnaires de l’AIEA qu’Israël aurait pu collecter l’identité des spécialistes iraniens du nucléaire, et établir une liste pour les éliminer plus tard. Il suffit d’avoir le numéro de téléphone d’une personnalité importante pour, le moment venu, savoir avec une fiabilité élevée où elle se trouve et l’assassiner. Ce n’est qu’après coup que les iraniens ont ouvert les yeux sur l’un des rôles obscurs de l’AIEA.

Plus simple encore, ce n’est que cinq jours après le début de la guerre que les autorités iraniennes ont demandé aux citoyens de ce pays de ne plus utiliser la messagerie Watsapp. Celle-ci est supposée rendre son titulaire vulnérable à cause de la localisation qu’elle permet, et aussi aux antécédents prouvant qu’elle avait fait l’objet de piratages par des virus espions fournis pas des sociétés israéliennes.

Pourtant, depuis des années, les dirigeants iraniens font face à des attaques répétées via l’internet. L’une d’elles est même supposée avoir introduit des virus dans les centrifugeuses des installations nucléaires iraniennes, les rendant inopérantes. Comment les iraniens ont-il mis autant de temps à prendre la mesure du danger?

L’essentiel, le secondaire et le futile

Ce manque dramatique de culture de la sécurité, dans un pays supposé totalement quadrillé par des polices intraitables, confirme une autre vérité: une police qui déploie autant de temps et d’énergie à pourchasser des femmes qui laissent voir une mèche de cheveux ou arborent une tenue négligée dans le métro, cette police ne peut pas, dans le même temps, surveiller efficacement le pays contre les menaces externes. Il y’a des choix à faire. Un dispositif de sécurité qui s’englue dans le futile et le secondaire finit par s’épuiser et négliger l’essentiel.

Dernier élément: un ancien diplomate algérien qui a été en poste en Iran avance une autre explication. Selon lui, la tradition chiite, une culture très particulière, cultive à l’excès deux phénomènes, l’égalitarisme et le sens du sacrifice. Les hauts dignitaires fortement imprégnés de la culture chiite ont ainsi tendance à estimer qu’ils n’ont pas à bénéficier de mesures de sécurité différentes de celles des autres citoyens. De plus, pour eux, le seul risque qu’ils encourent, c’est le martyr, la récompense suprême. Pour un homme moderne, rationnel, cela peut paraître déplacé, archaïque, mais le terme chahada garde son attrait et sa puissance dans la société musulmane.

La maîtrise du ciel, handicap insurmontable

Sur un autre plan, l’Iran se trouve totalement démuni dans la maîtrise du ciel en général, et de son propre ciel en particulier. Mais ce volet semble dépasser la volonté et la capacité de l’Iran. Ceci est la conséquence implacable d’une histoire récente mouvementée, dans un pays soumis à un demi-siècle de sanctions, d’embargos et de pressions continues.

Sous le régime du Shah, l’Iran était un vassal et un gendarme des Etats-Unis dans la région. A ce titre, il recevait des armements américains en abondance, ce qui lui permettait de jouer à la petite puissance régionale.

Avec la révolution islamique, les relations avec les États-Unis ont été rompues, les deux pays s’installant dans une franche hostilité. L’aviation iranienne, alors assez performante, a commencé à dépérir, faute de pièces détachées, d’entretien, de formation, d’innovation, de nouvelles acquisitions d’appareils plus modernes, et faute de passage à un nouveau modèle de défense.

En outre, à cause de l’Afghanistan, l’Iran était en confrontation directe avec l’ex-URSS, puis la Russie. Impossible de se doter d’une aviation performante de ce côté là.

La Chine n’avait pas encore émergé pour fournir un matériel de qualité, et aucun pays occidental n’était disposé à vendre des avions de qualités à l’Iran. De plus, les dirigeants iraniens, englués dans une pensée rigide, n’ont pas pu changer de doctrine, ni développer une aviation performante, qui reste très hors de portée de leurs propres capacités.

Au final, l’Iran dispose de quelques Mig et Sukhoï russes acquis durant les années 1990, selon les instituts spécialisés, mais le coeur de son aviation reste américain, datant des années 1970! De vieux coucous, des appareils qu’il serait dangereux d’envoyer affronter l’aviation israélienne, qui dispose de ce qui est considéré comme les meilleurs avions du monde, comme le F35 américain.

Autre fait aggravant, le ciel iranien est scruté de manière continue à partir de l’espace par les américains, les israéliens et les autres pays occidentaux, qui fournissent toutes sortes de données à l’armée israélienne.

Pays des mollahs, un handicap définitif

Il est par ailleurs difficile de dire quel est le plus grand handicap de l’Iran dans cette guerre: les défaillances de son dispositif sécuritaire, la non maîtrise du ciel, ou l’image déplorable de l’Iran auprès de l’opinion internationale? Car s’il y’a un pays qui semble réunir le maximum de clichés dégradants, négatifs, c’est bien l’Iran.

Peu importe que ces clichés soient fondés ou pas. Ils n’ont pas besoin d’être vrais, il suffit qu’ils répondent à un besoin d’image, de suggestions, de manipulations, notamment auprès d’un public façonné à la mode occidentale, mais aussi un public simplement épris de liberté.

Pays de mollahs où règnent des dirigeants barbus, des pasdarans fanatiques, des preneurs d’otages irréductibles, animés par une pensée moyenâgeuse, opprimant les femmes, les intellectuels, les philosophes et les artistes, alimentant le terrorisme, théocratie ne respectant ni les libertés ni les Droits de l’Homme, avec une police des moeurs surveillant comment les femmes s’habillent: aucun cliché n’a été épargné à l’Iran. Et il ne s’agit pas uniquement de clichés, mais dans de nombreux cas, il s’agit de réalités concrètes, codifiées dans la constitution ou dans les lois iraniennes.

A cela, il faut ajouter l’impact d’une propagande occidentale destructrice. Peu importe qu’il s’agisse de vérités ou de mensonges, ce qui compte, c’est la création d’une opinion hostile à l’Iran, y compris grâce à une réalité virtuelle.

Exemple: l’Iran a signé en 2015 avec les pays occidentaux un accord sur le nucléaire, et ce sont les Etats-Unis qui en sont sortis. L’Iran n’a violé aucun accord. Mais c’est l’Iran qui est agressé. Mais qui va porter ça auprès d’une opinion façonnée par un système médiatique implacable?

Avec tous ces handicaps, l’Iran ne s’est pas effondré. Il a même développé une capacité de résilience et une capacité de riposte inattendues. Car face à ces handicaps évidents, l’Iran a réussi à exploiter au mieux certains de ses propres atouts.

Il reste à savoir si ce sera suffisant pour tenir tête à l’énorme machine qui s’est mise en branle pour tenter de le détruire.

تاريخ Jun 20, 2025