Ahmed Abdelkrim
À Rome comme au Vatican, la visite officielle du Président algérien Abdelmadjid Tebboune a bénéficié d’une couverture médiatique sans précédent. Loin des formats figés et institutionnels des décennies précédentes, la presse algérienne a livré cette fois une narration moderne, vive, structurée, rythmée par des images fortes, des séquences vidéo maîtrisées et des analyses pointues. Une évolution notable qui n’est pas passée inaperçue — jusqu’à faire réagir plusieurs titres de presse français, à mi-chemin entre crispation et gêne mal dissimulée.
Une nouvelle ère médiatique algérienne
Autrefois confinées à des notes protocolaires ou à de brèves annonces télévisuelles impersonnelles, les visites présidentielles étaient rarement l’objet d’un storytelling engageant. Le peuple y voyait peu, comprenait moins encore, et se sentait exclu d’une diplomatie dont il était pourtant le socle indirect.
Aujourd’hui, l’Algérie semble avoir pris conscience que la communication est une arme douce mais déterminante dans la stratégie politique d’une nation. À travers une couverture qui mêle fond et forme, images et commentaires, presse traditionnelle et réseaux sociaux, c’est un nouveau récit national qui se dessine : celui d’un pays souverain, stratégiquement positionné, dialoguant d’égal à égal avec les grandes capitales européennes.
Une couverture qui bouscule et intrigue en France
Du côté français, certains médias n’ont pas caché leur surprise face à cette montée en gamme. Des chaînes comme BFM TV, Le Figaro ou France 24 ont évoqué, parfois à demi-mots, une « proximité affichée entre Rome et Alger », ou une « diplomatie méditerranéenne algérienne affirmée, voire conquérante ». Plusieurs éditorialistes, plus critiques, ont même insinué que l’Italie, sous le gouvernement Meloni, « ouvrait un peu trop grand les bras à un partenaire peu docile vis-à-vis de l’Europe ».
Ces remarques laissent transparaître une forme de crispation, peut-être alimentée par le fait que l’Algérie, jadis marginalisée dans les cercles diplomatiques européens, tisse désormais des alliances visibles, assumées, et relatées avec fierté par sa propre presse.
Plusieurs articles français ont également ironisé sur le ton « triomphaliste » des médias algériens. Mais derrière cette ironie perce surtout une forme de jalousie : celle d’un voisin qui voit s’affirmer, à quelques kilomètres au sud, un État qui parle désormais sa propre langue diplomatique et médiatique.
Une communication au diapason de la jeunesse
La force de cette nouvelle communication algérienne réside aussi dans sa capacité à s’adapter à son époque. Vidéos verticales adaptées à TikTok, séquences courtes sur Instagram, photos partagées sur Facebook, capsules explicatives sur YouTube… La couverture de la visite a été pensée pour toucher les jeunes, qui composent plus de 60 % de la population algérienne.
Et cela fonctionne : les partages, commentaires et réactions montrent un intérêt grandissant pour les questions diplomatiques, économiques et stratégiques. Pour une jeunesse souvent accusée de désintérêt ou de désillusion, voir son président accueilli avec les honneurs à Rome, échanger avec le Pape, signer des accords visibles et expliqués, nourrit une forme de fierté, et parfois, un regain d’espérance.
Une riposte douce à la guerre médiatique
Il serait naïf d’ignorer que l’Algérie est aussi la cible d’une guerre médiatique sourde, portée depuis l’extérieur par des officines malveillantes et relayée parfois par une certaine intelligentsia algérienne en exil, prompte à noircir le tableau.
Face à cela, le choix de la lumière et de la transparence, l’exposition assumée des succès, l’explication pédagogique des enjeux, constituent une riposte crédible, immédiate, humaine. Montrer ce qui avance, ce qui se construit, ce qui réussit, ne nie pas les défis internes, mais donne à voir une Algérie debout, active, actrice de son temps.
Un tournant assumé et salutaire
Cette visite, au-delà de son importance diplomatique, marque un tournant dans la manière dont l’État algérien conçoit et diffuse ses messages. On passe d’une diplomatie en huis clos à une diplomatie ouverte, documentée, partagée.
Ce virage n’est pas seulement technique ou esthétique. Il est politique. Il redonne au peuple — et à sa jeunesse surtout — une place dans le récit national. Une place méritée, attendue, stratégique.
Car une nation qui se raconte bien, se défend mieux. Et une jeunesse qui se reconnaît dans l’image de son pays avance plus fort, plus loin.