Moncef ABDELAZIZ
Consultant - Conseil stratégique
Dans un monde de plus en plus compétitif, où les enjeux économiques s'entrelacent avec les questions géopolitiques, la diplomatie ne peut plus se limiter aux seuls rapports politiques entre États. La diplomatie économique s’impose désormais comme un instrument incontournable pour défendre les intérêts d’un pays sur la scène internationale.
Pour l’Algérie, il devient urgent de faire évoluer sa stratégie extérieure en y intégrant une vraie dynamique économique. Cela passe notamment par une plus grande implication du secteur privé aux côtés des institutions publiques.
Traditionnellement axée sur la politique, la paix et la représentation souveraine, la diplomatie classique a laissé peu de place aux enjeux économiques. Aujourd’hui, la diplomatie économique change la donne : il s’agit d’utiliser les leviers de la politique étrangère pour développer les exportations, attirer des investissements, accompagner les entreprises nationales à l’international, et négocier des partenariats économiques durables. En somme, c’est faire du développement économique un véritable vecteur d’influence et de rayonnement pour le pays.
Pourquoi la diplomatie économique est essentielle
La diplomatie économique, c’est bien plus qu’un concept : c’est une réponse concrète aux défis de notre époque. Elle couvre un ensemble d’actions allant de la promotion des exportations à l’attraction des investissements, en passant par la participation à des projets internationaux et la défense des intérêts économiques nationaux. La guerre en Ukraine confirme encore une fois que les conflits mondiaux sont de nature économique.
Dans le cas de l’Algérie, cette approche est stratégique. Alors que l’économie est tributaire des hydrocarbures, le besoin de diversification est devenu une priorité. En 2024, le pays a enregistré une croissance honorable de 4,2 %, avec un PIB estimé à 260 milliards de dollars et plus de 70 milliards de dollars de réserves de change. Mais pour maintenir cet élan – et surtout l’amplifier – il faut se doter d’une diplomatie économique ambitieuse, agile et coordonnée. Il faut revoir notre copie : agressivité commerciale, professionnalisation et réactivité doivent être nos maîtres-mots.
Le rôle central du secteur privé
Trop souvent associée à l’Etat la diplomatie économique ne peut réussir sans l’engagement du secteur privé. Ce sont bien les entreprises qui produisent, innovent, exportent et créent de la valeur. Leur ancrage sur les marchés étrangers, leur connaissance du terrain et leur capacité à capter les opportunités font d’elles des partenaires naturels dans cette nouvelle vision stratégique.
En Algérie, des groupes tels que #Cevital, #Faderco ou #Palmary montrent la voie. Leur présence à l'international contribue à promouvoir le savoir-faire algérien et à améliorer l’image du pays. Leur réussite illustre parfaitement ce que peut produire une collaboration intelligente entre les entreprises et les acteurs publics : intelligence de marché, veille stratégique, accompagnement réglementaire, accès facilité aux réseaux diplomatiques…
S’inspirer des réussites internationales
Certains pays ont déjà intégré cette logique de manière systémique :
• La Chine, par exemple, a lancé l’initiative « La Ceinture et la route - Belt and Road Initiative» et la politique « Go Out » pour encourager ses entreprises à investir à l’étranger. Résultat : elle est aujourd’hui le premier partenaire commercial de l’Afrique, avec des échanges dépassant les 220 milliards USD dès 2014.
• L’Afrique du Sud, de son côté, a instauré l’initiative Opération Vulindlela, qui associe les pouvoirs publics et le secteur privé pour accélérer les réformes économiques. Cette synergie a attiré plus de 20 milliards USD d’investissements, notamment dans l’énergie, tout en modernisant les infrastructures logistiques du pays. Les sud-africains distribuent leurs produits au Zimbabwe, en Namibie, au Mozambique jusqu’à l’Angola.
Pour une approche algérienne structurée et inclusive
Pour que la diplomatie économique fonctionne en Algérie, il est impératif de bâtir une stratégie structurée, fondée sur une collaboration étroite entre public et privé. Cela suppose plusieurs actions concrètes :
• Former les diplomates et les cadres d’entreprises aux enjeux économiques internationaux.
• Renforcer les dispositifs d’appui comme les conseils d’affaires bilatéraux, qui sont des ponts efficaces entre les marchés.
• Mobiliser les ambassades et consulats en tant que véritables relais économiques, capables d’orienter et de soutenir les entreprises algériennes à l’étranger.
• Développer des partenariats public-privé autour de projets structurants, en mutualisant les risques et les ressources.
Agir maintenant, avant qu’il ne soit trop tard
La mondialisation ne laisse aucune place à l’immobilisme. Entre la montée en puissance de la ZLECAf (Zone de libre-échange continentale africaine), les bouleversements géopolitiques et la pression concurrentielle, l’Algérie doit accélérer sa mutation.
Il est urgent de construire un écosystème économique compétitif, soutenu par une diplomatie proactive qui aide nos entreprises à se projeter à l’international. Cela suppose d'encourager l’innovation, de faciliter l'accès aux marchés étrangers et de rendre l’administration plus réactive et plus à l’écoute des acteurs économiques.
La diplomatie économique peut devenir un véritable moteur de transformation pour l’Algérie. Elle offre une voie concrète pour diversifier notre économie, attirer des partenaires de qualité, et affirmer notre place dans le concert des nations.
Mais cela ne se fera pas sans une vision partagée et une mobilisation collective. État, entreprises, institutions, chacun a un rôle à jouer. C’est à cette condition que l’Algérie pourra, demain, compter parmi les puissances économiques régionales – voire mondiales. Derrière chaque contrat à l’international, il y a un atelier en activité, une usine qui recrute, un algérien qui travaille.