Hanane LARBI
Ces derniers jours, des millions de personnes ont suivi l’itinéraire du Madleen: un petit voilier ….porteur d’un immense message.
Et peu importe si le Madleen n’a pas brisé le blocus de Gaza, il aura eu le mérite d’avoir fait vaciller médiatiquement l’armée israélienne.
Une hardiesse et un courage à la hauteur de la dame à laquelle le bateau doit son nom: Madleen Kulab, la seule femme pêcheure de Gaza.
Sauf que Madleen ne pêche plus, depuis la guerre.
Israël a détruit son bateau.
Le bateau qui la faisait vivre, elle, son époux Khader et ses 4 enfants. Israël a détruit la maison parentale. Le père de Madleen était à l’intérieur, il ne survivra pas. Ce père, un maître pêcheur qui lui a tout appris et qui « lui avait offert la mer Méditerranée comme bureau. » Une offrande qu’elle n’oubliera jamais.
Trés habile de ses mains, l’adolescente commence par réparer et fabriquer les filets de pêche. Mais la fascination pour le bateau à rames du patriarche s’affirme de plus en plus: Madleen veut « prendre du poisson. »
Lever tous les jours à 5 heures du matin, elle deviendra avec les mois un membre à part entière du petit équipage familial.
A l’âge de 16 ans, une association nommée Tarawine met un moteur à bateau à sa disposition. Celle-ci fait appel à son frère, à un autre pêcheur et décide de prendre la mer.
La police du port ne voit pas l’initiative de Madleen d’un bon œil, trouvant inacceptable qu’une « jeune femme » pratique la pêche. D’autres pêcheurs, jaloux de l’autonomie de Madleen, ont à son égard des propos très incriminants. Du pain béni pour la police du port qui accuse la jeune femme « de mauvaises pratiques », et procéde à la saisie de son bateau.
La pêcheure est dévastée. Son entourage l’épaule dans l’épreuve, mais cela n’est pas suffisant.
Madleen décide alors d’écrire au ministre de l’intérieur Fathi Hammad. Ce dernier répond à sa requête et convoque au tribunal tous les fauteurs de trouble.
Une instruction officielle sera donnée : laisser la jeune femme travailler. Madleen reprend la mer.
Elle sera la première femme pêcheure de Gaza. Malheureusement, elle sera contrainte de pêcher dans les fonds vaseux car l’occupant Israëlien impose des restrictions au niveau des zones de pêche. Madleen décrit la situation en ces termes :« Gaza est le seul endroit au monde où la mer rétrécit. »
Aujourd’hui, après plusieurs déplacements forcés, Madleen est de retour à Gaza city.
Elle souffre énormément de ne pouvoir nourrir ses enfants, ni de la mer, ni de nulle part.
Hier, interrogée par un journaliste palestinien, la pêcheure a fait part de la nécessité de laisser entrer l’aide humanitaire dans l’enclave.
Quant à « la mission Madleen » elle a dit qu’elle en était très fière, et même plus : « Les Israéliens ont bombardé mon bateau, mais ce qui est extraordinaire c’est que mon nom navigue toujours sur les mers.»
Voilà pourquoi Madleen est bien plus qu’un prénom.