Abed CHAREF
Ça ne se passe pas comme prévu. L’agression israélienne contre l’Iran a pris une tournure dangereuse. Initialement, elle devait détourner les regards de Ghaza, où le génocide en cours a fait basculer l’opinion internationale au profit des palestiniens, et tenter d’entraîner les Etats-Unis dans un conflit ouvert avec l’Iran, ce qui permettrait de rendre secondaire tout ce qu’Israël a commis durant les dix huit mois écoulés. Mais la situation semble sur le point de déraper.
Signe de cette perte de contrôle, le président américain Donald Trump a été contraint de quitter précipitamment le sommet du G7, lundi 16 juin, dans la soirée. Peu auparavant, l’Iran avait envoyé une nouvelle salve de missiles sur Israël, transperçant encore une fois la défense israélienne et montrant la vanité du dôme de fer et autres systèmes sensés rendre le territoire israélien invulnérable. D’autant plus que les Gardiens de la révolution iraniens menaçaient, lundi 16 juin, de poursuivre les attaques de missiles toute la nuit.
Dans le même temps, les Etats-Unis décidaient de renforcer considérablement leur dispositif militaire au Moyen-Orient. Des « ressources supplémentaires » y ont été envoyées pour renforcer son « dispositif défensif », a annoncé le secrétaire à la défense américain Pete Hegseth.
D’autres sources ont détaillé la nature de ce redéploiement, qui comprend, à titre d’exemple, l’envoi de toute une armada d’avions ravitailleurs dans la région du Proche-Orient. Il s’agirait de 24 avions ravitailleurs, ce qui représente l’équivalent de toute la flotte de ravitailleurs britannique et française réunies.
Le mot «ressources» est d’ailleurs à la mode. Il est utilisé par les britanniques qui envoient, eux aussi, des avions de combat pour soutenir Israël, au lendemain de l’agression contre l’Iran, agression qui ne se déroule pas comme prévu. Le Premier ministre britannique Keir Starmer a ainsi annoncé que son pays allait «déployer des ressources dans la région, y compris des avions de chasse, et ce dans le cadre d’un soutien d’urgence».
Autre signe, externe celui-là, que la situation évoluait dangereusement pour Israël, la Chine a invité ses ressortissants à quitter ce pays. Mais les Etats-Unis eux aussi ont invité leurs ressortissant à ne pas se rendre en Israël et averti que la situation y était «imprévisible».
Fièvre occidentale
Cette fièvre qui s’est emparée des principaux soutiens occidentaux d’Israël répond à plusieurs éventualités. On en retiendra trois.
1. Israël s’est lancé dans une aventure dangereuse, sans en évaluer sérieusement les conséquences. Il se trouve aujourd’hui en difficulté, sans moyen de s’en sortir. Dès lors, les Etats-Unis et la Grande Bretagne montrent leurs muscles face à l’Iran, mais l’objectif est d’obtenir une sortie de crise sans trop de dégâts pour Israël, qui peut être menacé d’effondrement en cas de poursuite prolongée du conflit. Américains et britanniques connaissent d’autant mieux les limites de leur allié que sans leur aide, Israël n’aurait jamais pu faire ce qu’il a fait en Iran.
2. Les Etats-Unis veulent amener l’Iran à négocier. Téhéran peut faire face à Israël, et même marquer des points, mais les iraniens savent qu’une intervention américaine changerait le rapport de forces, et serait probablement destructrice pour eux. Ils sont donc tentés eux aussi de négocier après avoir imposé leur présence, ce qui leur permettrait de négocier en position de force.
3. Les Etats-Unis et leurs alliés peuvent être tentés de détruire l’Iran, comme ils l’ont fait pour la Palestine, l’Irak, la Syrie, le Liban, la Libye. Ce serait parfaitement cohérent dans leur démarche, visant à neutraliser les uns (Egypte, Jordanie, pays du Golfe) ou à détruire les autres. Du moins tant qu’il s’agit de pays ne disposant pas de l’arme nucléaire.
Il reste que l’Iran, malgré sa vulnérabilité (il n’a pas d’aviation, son ciel est totalement sous contrôle américain et israélien), a montré une résilience et une capacité de résistance rares. Et sa résistance peut déboucher sur des engrenages et des solidarités inattendues, ce que les Américains ne peuvent occulter.