Ahmed Abdelkrim
Une décision polémique, une pratique contestée. Le ministère français de l’Intérieur a instauré une mesure empêchant les agents accrédités par l’Ambassade d’Algérie d’accéder aux zones réservées des aéroports français – notamment pour récupérer leurs valises diplomatiques Ce type de bagages, en vertu de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques (1961), doit être remis « directement et librement » à un membre du personnel diplomatique.
Le Ministère des Affaires étrangères algérien a dénoncé cette décision comme une violation grave de l’article 277 de la Convention, l’a qualifiée d’illégale, et annoncé l’application de la réciprocité immédiate ainsi que la saisine des Nations unies.
Les deux pays fonctionnent désormais sous-représentation réduite : ils n’échangent que des chargés d’affaires depuis juillet 2024, après la crise provoquée par le soutien français au plan marocain sur le Sahara occidental.
Ce que prévoit la Convention de Vienne et les droits diplomatiques fondamentaux
• Article 27(457) :
Le régime de la valise diplomatique est affirmé : elle ne peut être ouverte ou retenue, et le coursier doit jouir d’inviolabilité personnelle. Toute restriction est considérée comme entorse aux fonctions diplomatique
• Le pays hôte est tenu de garantir les communications et le transport des correspondances officielles sans entrave. Un État ne peut agir de façon unilatérale sans notification ni coordination préalable avec le ministère des Affaires étrangères du pays accréditant.
La France, en l’occurrence, agit par le biais du ministère de l’Intérieur sans information officielle au Quai d’Orsay français, un procédé que l’Algérie qualifie d’« opacité totale », contraire aux usages diplomatique
Ce que l’Algérie peut faire pour défendre ses droits
Recours auprès des Nations unies : déposer une plainte formelle au Secrétaire général ou à l’Assemblée générale, invoquant l’infraction aux obligations de la Convention de Vienne.
Demande d’arbitrage ou d’avis consultatif à la Cour internationale de Justice, selon les mécanismes disponibles dans le Protocole facultatif éventuel ou par voie multilatérale.
Application immédiate du principe de réciprocité : l’Algérie a annoncé qu’elle suspendra l’accès des diplomates français à ses propres aéroports ou consulats, conformément au droit international coutumier
Dans tous les cas, Alger reste dans la légalité internationale en invoquant le respect du cadre juridique – et non une surenchère symbolique.
Les risques et implications pour la France
• Violation formelle du droit international : l’article 27 de la Convention de Vienne est réputé obligatoire pour tous les États parties – la France s’expose à une accusation d’irrégularité diplomatique.
• Perte de crédibilité diplomatique auprès de ses partenaires et dans les forum multilatéraux : cela remet en question la fiabilité de son engagement aux principes qu’elle promeut.
• Réciprocité nuisible : les agents français pourraient se voir interdire l’accès aux zones sécurisées en Algérie – paralysant les communications officielles, les transferts confidentiels ou logistiques.
• Impact bilatéral et économique : cette crise survient dans un climat déjà tendu (rupture des visas diplomatiques de 2013, tensions sur les expulsions OQTF). Elle complique les relations commerciales et les déplacements de la diaspora.
Ce différend s'inscrit dans une spirale d’escalade diplomatique vieille de plusieurs mois, accentuée depuis la rupture du dialogue politique entre Paris et Alger début 2024. Les crises à répétition (projets d’expulsion, mémoire coloniale, suspension de visas) fragilisent tout canal de coopération.
Pour les diplomates et personnels impliqués, il ne s’agit pas de simples formalités : l’accès aux zones sécurisées permet de transporter des documents confidentiels, des aides humanitaires, du matériel consulaire indispensable. Sans cela, l’action diplomatique devient inefficace et entravée.
La décision française de limiter l’accès des diplomates algériens aux zones réservées des aéroports constitue non seulement une rupture contractuelle avec la Convention de Vienne, mais également une atteinte fonctionnelle grave à l’exercice normal d'une mission diplomatique.
L’Algérie, en réagissant par la voie diplomatique formelle et la réciprocité, illustre une posture conforme aux normes. À l’inverse, la France s’expose à un discrédit juridique, un isolement progressif et une crise relationnelle d’une portée réelle – bien au-delà des symboles.
L’affaiblissement du droit international commence là où une puissance pense pouvoir agir sans contrôle. Et les répercussions sont souvent bien plus profondes que le simple refus d’un visa diplomatique.