De Paris: Souheila BATTOU
Journaliste/Cinéaste
Depuis des mois, les images de souffrance palestinienne ont inondé les écrans, laissant le cœur des justes du monde avec le goût amer d'une injustice persistante. Aujourd'hui, face aux récentes ripostes iraniennes contre Israël, un souffle inattendu parcourt ces terres. Loin de la seule anxiété, c'est un sentiment de vengeance qui, bien que dénoncé par certains comme vil, s'avère pour beaucoup irrésistible.
À 2h14 du matin, personne ne ferme l'œil. Les prières montent pour l'Iran. Les cieux de la région se muent en un théâtre de guerre, où les missiles, acteurs d'un drame kusturicien, déchirent l'obscurité. Depuis des terrasses à Beyrouth, certains les admirent, s'illuminant au-dessus de Haïfa. Plus qu'une joie de la destruction, c'est l'expression poignante d'un désir ardent de voir l'équilibre des forces enfin ébranlé. Chaque explosion, chaque trajectoire lumineuse, fait miroiter une justice tant attendue, une réplique vibrante à l'oppression subie. C'est le cri d'une attente, l'espoir fugace qu'après tant de silences, la mélodie de la riposte puisse enfin résonner.
Une guerre d'images et de vérités
Cette effervescence est exacerbée par une guerre d'images où chaque camp tente de contrôler le récit. Le narratif. L'interdiction par l'armée israélienne de documenter les dégâts vise clairement à protéger son image de résilience et à éviter de fournir des arguments à ses détracteurs. Or, les réseaux sociaux défient ce contrôle. Ils transforment les actions militaires en spectacles quasi-populaires et amplifient la solidarité et le sentiment de vengeance au-delà des frontières établies. Ce flux incessant de contenu crée une réalité parallèle où la perception prime sur les communiqués officiels, nourrissant un récit qui va bien au-delà de la simple information.
La diplomatie arabe prise au piège
Cette ferveur populaire exerce une pression immense sur les gouvernements arabes, surtout ceux ayant normalisé leurs liens avec Israël. Pris entre les aspirations de leurs peuples et leurs impératifs de survie, ces régimes sont contraints de réagir. Leur condamnation des frappes israéliennes varie subtilement : l'Arabie Saoudite condamne fermement, parlant d'« agressions » et de « violations flagrantes », tandis que les Émirats Arabes Unis, signataires des Accords d'Abraham, se limitent à une « profonde inquiétude » et à des appels à la désescalade. Cette nuance révèle un fossé profond : la posture n'est pas idéologique, mais pragmatique, visant à apaiser l'opinion publique tout en évitant un embrasement régional dévastateur.
La Palestine au cœur des enjeux
L'impact de cette confrontation Iran-Israël sur la cause palestinienne est profondément ambigu. Pour certains, la riposte iranienne replace la Palestine au centre du jeu régional, affirmant qu'aucune paix durable ne peut exister sans sa résolution. Mais pour d'autres, cette escalade risque de détourner l'attention et les efforts internationaux de Gaza, reléguant la souffrance palestinienne au second plan d'un conflit plus vaste et périlleux. La question demeure : cette nouvelle donne sera-t-elle un catalyseur inattendu pour la justice ou une tragique diversion visant à maintenir le criminel de guerre au pouvoir?