Abed Charef
Deux décisions économiques ont été rendues publiques cette semaine. La première concerne l’importation de véhicules usagés.
Les Algériens avaient la possibilité d’importer un véhicule de moins de trois ans, avec leurs propres devises, acquises évidemment au marché parallèle. D’habiles négociants se sont introduits dans la brèche, pour importer des véhicules d’occasion en quantité et les revendre aux particuliers. Un véritable business a fleuri autour de cette activité, notamment autour de véhicules chinois, présentant des qualités similaires à ceux en provenance d’Europe ou du Japon.
La formule proposée par ces négociants offre des avantages évidents. Les achats groupés permettent d’avoir de meilleurs prix. Les négociants connaissent les marchés, les réseaux, les procédures, et réduisent les frais à un niveau très bas, notamment ceux liés à l’assurance et au transport. On se demande d’ailleurs comment, en 2025, on en arrive encore à rappeler des éléments basiques de l’activité commerciale!
Mais le ministère du commerce ne voit pas les choses dans cette logique. Il a vu dans l’intrusion de ces négociants un détournement d’une formule qui ne devait bénéficier qu’aux particuliers. Il a décidé d’y mettre fin. Il a interdit les achats groupés.
Désormais, chaque citoyen désireux d’acquérir un véhicule à travers cette formule devra agir seul, se déplacer à l’étranger, engager des frais inutiles, négocier le prix et le transport du véhicule, etc. C’est un retour à des formules en cours dans les années 1980, des méthodes absurdes, hors temps, révélant une non pensée économique.
Comment en est-on arrivé, ou plutôt, comment est-on revenu à une telle indigence de la pensée économique en 2025? Faut-il croire que l’Algérie a désappris l’économie, que dans les cercles autour du président de la république, du premier ministre, du ministres des finances et celui du commerce, il n’y a pas d’économiste capable de dire que ce qui est en train de se faire relève de la djahilia économique?
Sur un autre plan, comment un gouvernement peut-il délibérément transférer une partie de son commerce, celui des véhicules automobiles, vers le marché parallèle, en poussant les citoyens à acheter des devises au marché noir?
Comment un gouvernement peut-il transférer à l’étranger un commerce de détail, celui des véhicules d’occasion?
Comment un gouvernement peut prendre des mesures qui vont avoir pour conséquence de faire pression sur la monnaie nationale, dont la valeur au marché parallèle va bientôt dépasser le double de celui du marché officiel? Comment un gouvernement peut ne pas voir que des mesures comme l’encouragement du commerce du cabas ou celle concernant le blocage des importations de nombreux produits par les réseaux officiels vont aggraver le marché parallèle et constituent, de fait, des attaques contre la monnaie nationale?
Un âge d’or illusoire
Sur un autre terrain, un document circulant sur les réseaux sociaux fait état d‘une instruction transmise aux banques par l’ABEF (Association des banques et établissements financiers) pour leur intimer de ne plus domicilier les importations de nombreux légumes secs au profit des entreprises privées, cette activité relevant désormais du seul OAIC (Office interprofessionnel des céréales). Cela signifie de fait un rétablissement du monopole de l’Etat dans ce domaine.
D’un simple trait, un ministre efface toute une filière économique. Il prend une mesure qui va à l’encontre de ce qui se fait dans les pays connus pour leur efficacité économique. Sa décision est contraire à la loi, et notamment à la loi de finances 2025.
Est-il nécessaire de revenir, en 2025, sur les tares du monopole et sur les vertus de la compétition? Faut-il revenir sur les tares de l’état commerçant?
Il est difficile de comprendre à quelle logique obéissent ces décisions. Peut-être, dit-on dans certains cercles, y’a-t-il un projet pour revenir à l’ère Boumediène, supposée être un âge d’or où l’Etat contrôlait tout?
Il n’y aurait alors plus qu’à rétablir les souk el-fellah pour boucler la boucle, et revenir à l’illusion d’un âge d’or fait en réalités de pénuries, de ruptures de stock, et de passe-droits dans le domaine de la consommation. Comment, avec une telle indigence économique, aspirer à devenir une puissance économique?

