الحراك الإخباري - Ali Draa et Abdelmadjid Khaoua, un poète et un politique égarés dans le journalisme
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Ali Draa et Abdelmadjid Khaoua, un poète et un politique égarés dans le journalisme

منذ 3 أيام|الأخبار

 

Abed Charef

L’un était plutôt homme de lettres, francophone, poète jusqu’à la caricature, avec sa barbe et son port approximatifs, sa manière de s’exprimer, son sens de la répartie et ses lunettes rondes. L‘autre était arabisant, très pieux, d’une ouverture d’esprit rare, un sens du contact hors du commun et une générosité exceptionnelle.

Ils ont tous deux été directeurs du journal L’Unité, organe central de l’Union Nationale de la Jeunesse Algérienne, où Ali Draa a succédé à Abdelmadjid Khaoua en 1981.

Un poète et un politique, égarés dans le journalisme. Ils sont partis tous les deux à moins de deux semaines d’intervalle, Ali Draa le 15 juillet, Abdelmadjid Khaoua le 28 juillet 2025.

Ces deux hommes ont incarné un monde, un moment de l’histoire de l’Algérie, une génération, celle qui avait une quinzaine d’années à l’indépendance, et qui est arrivée à l’âge adulte sous Houari Boumediène, au début des années 1970, dans une Algérie pleine d’ambitions, de contradictions, de luttes, d’illusions, de rêves et de projets.

Abdelmadjid Khaoua, c’est l’ère du boumédiénisme triomphant. Une Algérie ambitieuse, populiste, portée par des ambitions démesurées, résolument ancrée à gauche, à la pointe du combat tiers-mondiste.

Pour faire oublier l’encombrante UNEA, dominée par la gauche marxiste, Boumediène lance l’UNJA, organisation plus large, populaire, pour mobiliser et encadrer la jeunesse. La nouvelle organisation a besoin d’un journal, et Abdelmadjid Khaoua en sera le directeur. Il a le profil parfait: homme de gauche sans être encarté, il a une capacité de dialogue qui lui permet de faire cohabiter différents courants au sein de la rédaction. Sa gestion est souple, plutôt débonnaire. Il aime les discussions politiques, mais il leur préfère la littérature et la poésie.

Il accompagne le virage à gauche de Boumediène, prend des coups, mais reste foncièrement dans ses convictions. Plus tard, quand il prend du recul, il s’oriente tout naturellement vers la critique littéraire, et restera, jusqu’au bout, un homme qui s’émerveille devant un vers, une strophe, plus que devant un acte politique ou un exploit sportif.

Virage

Au début des années 1980, quand Chadli Bendjedid installe son pouvoir, il tente un virage pour se débarrasser de la rigidité du système Boumediène. Il place de nouveaux hommes un peu partout. Et Ali Draa succède à Abdelmadjid Khaoua à la tête de l’Unité.

Fils de chahid, issu d’une famille qui a été décimée pendant la guerre de libération, Ali Draa est d’abord un homme de contact. Il connaît tout Alger, toute l’Algérie. Il arrive à avoir de bonnes relations avec tout le monde.

Quand il prend la tête du journal l’Unité, beaucoup de journalistes sont forcés de quitter la rédaction. J’en fais partie: c’est mon premier contact avec lui.

Dix ans plus tard, il est nommé à la tête du journal El-Massa, qui symbolisait alors l’ouverture démocratique. Là encore, il arrive avec une nouvelle équipe, et je quitte le journal.

Mais ça ne dure pas longtemps pour lui non plus. Forcé de quitter El-Massa, il lance plusieurs titres, qui sont fermés les uns après les autres.

Et c’est là que l’homme se révèle réellement. Derrière l’apparatchik, émerge l’opposant, un homme fidèle à des valeurs et des idées qu’on ne soupçonnait pas. Liberté, démocratie, pluralisme, Droits de l’Homme, constituent la matrice d’une démarche chez un personnage à la fois pieux (il effectuait chaque année le pèlerinage à La Mecque tant que sa santé le permettait), et d’une ouverture d’esprit rare.

C’est aussi un homme naïf, porté par l’émotion et par une sincérité qui frise souvent la naïveté.

Ali Draa portera jusqu’au bout une blessure qui s’appelle Palestine. Malgré une santé défaillante, il s’était rendu à Ghaza il y’a une dizaine d’années, après un séjour en Egypte en compagnie de Lakdar Bouragaa. Il était entré à Ghaza par les tunnels, et y avait rencontré des dirigeants de la résistance.

La blessure de Abdelmadjid Khaoua, c’était l’exil. Après l’Unité, il avait fait une carrière inégale dans une presse qui accordait si peu de place à la littérature et à la poésie. Se retrouver dans une chambre d’hôtel sécurisée à l’approche de la cinquantaine était difficile. L’exil était à la fois un refuge et une prison, dont il parlait avec pudeur.

Mais pour lui comme pour Ali Draa, ce qui dominait, c’est le décalage entre l’image et la réalité du personnage. Derrière l’apparatchik, se cachaient le poète et l’humaniste. C’est en quittant le sérail que ces personnages se sont révélés.

تاريخ Jul 29, 2025