Abed Charef
Emmanuel Todd a développé la notion de religion zombie. L’homme qui s’était appuyé sur les données démographiques pour prévoir la chute de l’empire soviétique, a récidivé pour cette fois-ci envisager la chute de l’empire américain dans son fameux essai, «La défaite de l’occident».
Dans son étude de la société occidentale et du rôle qu’y a joué la religion, notamment le protestantisme, il a noté cette évolution vers une religion zombie, une sorte de croyance dénuée de normes et de valeurs, devenue dominante dans les sociétés occidentales.
Emmanuel Todd parlait de la société américaine, mais ce qu’il développe s’applique parfaitement à l’État d’Israël, devenu un État zombie. C’est une réalité cruelle, que les occidentaux refusent de voir, mais elle est là, évidente, elle s’impose au quotidien, elle crève les écrans de télé et domine l’actualité: Israël vit par la guerre et pour la guerre. C’est devenu un monstre; il s’est transformé en une entité totalement différente de ce que pouvaient imaginer ses promoteurs et ceux qui ont favorisé sa création en 1948, ainsi que ceux qui assurent sa survie depuis.
Suprémacisme, racisme, apartheid
Israël est une variante de Daech, mue par une dynamique totalitaire, raciste, suprématiste et incontrôlable, qui a débouché sur un apartheid de fait.
Il ne s’agit pas d’un alignement de mots outranciers dans un dessein de propagande. C’est une description clinique de ce qu’est Israël. C’est un état totalitaire au sens où la totalité des institutions est conçue pour assurer la primauté de ce qui est juif, et où tout ce qui n’est pas juif est banni. C’est un état raciste car il a intégré dans sa législation une différenciation entre les juifs et les autres, avec une suprématie aux juifs, détenteurs de droits auxquels les autres, chrétiens ou musulmans, ne peuvent accéder.
Comme les régimes totalitaires, Israël estime que la fin justifie les moyens. Raser Ghaza, en tuant 50.000 ou 100.OOO personnes, pour punir les auteurs du 7 octobre est considéré comme un objectif légitime, nécessaire, peu importe que les morts soient des combattants ou pas, qu’ils soient des enfants. Raser Ghaza pour dire aux Palestiniens ce qui les attend en cas de nouvelle rébellion relève de la stratégie militaire. Détruire Ghaza et, dans la foulée, tuer les prisonniers israéliens capturés le 7 octobre par les Palestiniens est considéré comme un acte de guerre.
Tuer des journalistes est un acte d’une banalité extrême. Aucune armée au monde n’a tué autant de journalistes.
Démocratie du colon
Israël a longtemps été soutenu par les gauches européennes, lesquelles, pour expier le crime originel, ont cru, ou fait semblant de croire, aux kibboutz, à la solidarité, au partage que représentaient, à leurs yeux, le projet israélien. Elles ont oublié de se demander à qui appartenaient ces terres sur lesquelles étaient érigés les kibboutz, que sont devenus leurs propriétaires, comment ils ont été tués ou à quel exil ils ont été réduits. C’est une gauche à la dérive, un peu similaire à celle qui pensait pouvoir établir le socialisme dans les colonies: comment priver des peuples de leur pays, de leur terre, et vouloir leur offrir le socialisme?
Aujourd’hui, une partie de l’Europe fait semblant de découvrir l’horreur israélienne. C’est Netanyahou, c’est l’extrême-droite, dit-on. Israël, ce n’est pas ça, assurent des hommes d’influence qui se rendent compte de l’ampleur du crime. En Israël même, des voix disent la même chose. Que n’a-t-on entendu sur «l’armée morale» et «la seule démocratie du Moyen-Orient».
La guerre, ADN d’Israël
Pourtant, Israël est le pays le plus militarisé du monde. Tout est bâti autour de l’armée et des services de sécurité: l’économie, la recherche scientifique, la vie politique, les institutions, la politique étrangère, l’université, tout tourne autour de la prochaine guerre. La proportion de citoyens armés, entre militaires, agents de différents organismes de sécurité, colons, miliciens, est l’une des plus élevés du monde.
C’est aussi le pays qui, proportionnellement au nombre d’années de son existence, a mené le plus de guerres depuis sa création. Israël a bombardé l’Egypte, la Syrie, le Liban, l’Irak, l’Iran, la Tunisie, la Jordanie, sans compter les multiples agressions contre les Palestiniens.
La guerre, c’est son ADN
Expulser, établir des colonies, prendre les terres des Palestiniens, c’est son ADN.
Et pendant que le crime se poursuivait sous le regard du monde entier, on continuait à polémiquer: s’agit-il d’un génocide? Peut-on qualifier ce qui se passe de crime contre l’humanité? La Cour Pénale internationale a-t-elle eu raison d’émettre des mandats d’arrêt internationaux contre le premier ministre israélien et son ministre de la Défense?
La folie médiatique qui a entouré Israël ne peut cependant occulter le réel. Israël est un État zombie animé par sa propre dynamique, un monstre conçu pour faire la guerre, indéfiniment. Hier, c’était l’Egypte, la Syrie, le Liban, l’Iran. Demain, ce sera peut-être la Turquie, encore l’Iran, L’Egypte, l’Arabie Saoudite, qui sait?
La seule différence, c’est que la puissance médiatique d’Israël et de ses soutiens permettait d’habiller le crime et de transformer l’agression en exploit. Aujourd’hui, ce n’est plus possible. Le monstre apparaît tel qu’il est: un monstre. Et l’opinion mondiale est en train de basculer pour admettre cette réalité.