Ahmed ABDELKRIM
Le monde est en pleine convulsion. Loin des paradigmes classiques de la guerre froide ou des conflits territoriaux conventionnels, l’ordre mondial bascule sous la pression des guerres hybrides, des intérêts économiques bruts et des stratégies nationalistes décomplexées. Les institutions internationales apparaissent plus que jamais impuissantes, incapables de freiner la montée des États voyous, au premier rang desquels Israël, dont les pratiques, de plus en plus dénoncées, remettent en cause les principes mêmes du droit international.
La guerre moderne : frappes, drones et diplomatie en ruine
Les conflits contemporains ne se gagnent plus à coups de blindés sur le terrain, mais par des « frappes chirurgicales », des drones autonomes, des cyberattaques et des sanctions économiques. La guerre est désormais « sans contact », menée à distance, dans un espace où la frontière entre belligérants et civils s’efface dangereusement.
La guerre en Ukraine s’enlise. Israël multiplie les bombardements à Gaza, frappe régulièrement des cibles en Syrie et au Liban, et mène des opérations contre l’Iran. Un nouvel affrontement direct s’installe entre Tel-Aviv et Téhéran, marquant une escalade sans précédent : frappes mutuelles, attaques contre des sites stratégiques, menaces ouvertes. L’Iran, qualifiant Israël d’« État terroriste » et revendiquant son droit à la légitime défense, subit des agressions ciblées que ni les Nations unies ni les grandes puissances ne sont parvenues à endiguer.
Israël, un État au-dessus des lois
Depuis des décennies, Israël s’arroge le droit de violer systématiquement les résolutions des Nations unies. En 2024, l’Assemblée générale a adopté 17 résolutions spécifiques condamnant ses pratiques — un chiffre qui dépasse de loin le total des condamnations adressées à l’ensemble des autres États.
Le Haut-Commissaire aux droits de l’homme des Nations unies a qualifié la situation à Gaza de « souffrance horrible et impensable », accusant l’armée israélienne d’utiliser la famine comme arme de guerre. Des organisations telles que Human Rights Watch et Amnesty International dénoncent un apartheid systémique et des crimes de guerre répétés.
La communauté internationale commence timidement à réagir : le Royaume-Uni, le Canada, la Norvège et l’Australie ont imposé des sanctions individuelles à des responsables israéliens accusés d’avoir promu ou justifié les violences contre les civils palestiniens. Mais ces mesures restent symboliques face à l’ampleur des exactions commises.
Le rôle trouble du Maroc
Dans le silence quasi-général, le Maroc a renforcé ses relations stratégiques et militaires avec Israël.
Depuis la normalisation de leurs relations en 2020, Rabat et Tel-Aviv coopèrent étroitement : accords militaires, entraînements conjoints, achats d’armements sophistiqués (drones, systèmes de défense anti-aérienne, satellites espions). Le chef d’état-major israélien a même effectué une visite officielle au Maroc, fait sans précédent.
En se plaçant ainsi dans l’orbite israélienne, le Maroc devient un relais des intérêts israéliens en Afrique du Nord et contribue à la fragmentation géopolitique de la région du Maghreb.
Un choix stratégique qui alimente les tensions dans toute la région.
L’impuissance des institutions internationales
Face à ces conflits, les Nations unies et les organisations multilatérales apparaissent paralysées. L’ONU vote des résolutions, condamne, mais n’agit pas. Les vetos croisés au Conseil de sécurité, la domination des intérêts géostratégiques et l’effondrement du multilatéralisme réduisent ces institutions à de simples chambres d’écho.
La guerre Iran–Israël, la crise prolongée en Ukraine, le drame humanitaire à Gaza, la guerre civile au Soudan, les tensions explosives autour du barrage de la Renaissance entre l’Égypte et l’Éthiopie : autant de foyers où la diplomatie a reculé face à la brutalité militaire et aux logiques de puissance.
Vers un monde brutal et déséquilibré
Le monde ne s’organise plus autour d’un équilibre recherché, mais autour d’une brutalité assumée. Les États n’hésitent plus à agir unilatéralement, souvent en dehors de tout cadre juridique international. La loi du plus fort s’impose, les discours protectionnistes et nationalistes dominent, et les rapports de force prennent le pas sur la coopération.
L’élection de Donald Trump, souvent pointée comme un catalyseur de cette dynamique, a certes contribué à affaiblir le système multilatéral, mais les racines de cette dérive sont plus profondes. Le retrait progressif des États-Unis de leur rôle de gendarme régional a ouvert la voie à des États hors-la-loi tels qu’Israël, épaulés par des alliés dociles comme le Maroc, pour dérouler sans entrave des stratégies machiavéliques au service de leurs intérêts.
Dans ce nouvel ordre mondial, la diplomatie ne pèse plus que ce que les armes lui laissent. Les nations, autrefois garantes d’un équilibre fragile, semblent désormais spectatrices d’un monde qu’elles ne contrôlent plus.