Abed Charef
Deals, injonctions, ultimatums, menaces, humiliations des partenaires. La diplomatie américaine sous Donald Trump a adopté des méthodes inhabituelles, parfois cavalières, avec lesquelles le monde tente de s’adapter. Russes, chinois, européens, ukrainiens ont tous été confrontés à ce type de situation. Certains s’en sont sortis, avec difficulté, d’autres ont fait naufrage.
La diplomatie algérienne s’est à son tour trouvée confrontée à la même difficulté lorsque l’administration Trump a annoncé qu’elle s’est fixée un délai de soixante jours pour parvenir à un «accord de paix» entre l’Algérie et le Maroc.
Steve Witcoff, conseiller du président Trump, déclaré : « notre équipe travaille actuellement sur l’Algérie et le Maroc. Un accord de paix sera conclu entre ces deux pays d’ici soixante jours, à mon avis». Pour le Président Trump, qui prépare une résolution du conseil de sécurité de l’ONU en prévision d’un vote le 30 octobre, la solution se ferait sur la base du plan d’autonomie marocain, qu’il considère crédible.
La brutalité de l’annonce a fait son effet. Certains en ont conclu que les jeux étaient faits. Le Maroc pouvait se frotter les mains.
Effets d’annonce
Mais au fait, pourquoi les Américains se fixent un délai de 60 jours pour régler le conflit du Sahara Occidental ? Ça répond à quelle logique? Pourquoi un traité de paix entre deux pays qui ne sont pas en guerre? Pourquoi cette légèreté, avec une diplomatie basée sur les effets d’annonce, quitte à échouer plus tard?
C’est alors qu’apparaît une autre évidence: l’effet d’annonce est devenu une fin en soi. Il se justifie en lui-même. Il n’est pas forcément destiné à être suivi d’effet, il constitue juste une méthode pour tenter d’imposer un fait accompli.
C’est dans ce sens qu’apparaît la promesse du président Trump de régler le conflit ukrainien en 24 heures. Près d’un an après son élection, il tourne toujours en rond, contraint d’annuler un rendez-vous prévu cette semaine en Hongrie avec Vladimir Poutine. M. Trump avait fixé au même Poutine, un ultimatum de cinquante jours, ramené ensuite à dix jours, pour accepter un plan de paix en Ukraine. Sans résultat.
La Russie a maintenu sa ligne de conduite, et même le président Volodymyr Zelenseky a appris à tergiverser et à se dérober. Dès lors, M. Trump a été abandonné en rase campagne, ce qui l’a amené à redevenir le mercantile qu’il était: il se retire de la guerre en Ukraine, mais il ne fournit plus d’armes, il les vend!
Et Retailleau?
Cela amène évidemment à évoquer un autre ultimatum qui avait été fixé à l’Algérie au printemps. Un ultimatum de six semaines. Poussé par son ministre de l’intérieur Bruno Retailleau, alors en croisade contre l’Algérie, le Premier Ministre François Bayrou avait fixé à l’Algérie un ultimatum de six semaines pour reprendre les ressortissants algériens soumis aux fameuses OQTF (obligation de quitter le territoire français). Si l’Algérie ne s’exécutait pas, M. Bayrou menaçait de lancer la terrible «réponse graduée» élaborée par Bruno Retailleau.
Depuis, M. Bayrou est retourné dans son douar, M. Retailleau a été viré du gouvernement, et il est en difficulté dans le parti dont il s’était emparé en faisant sa campagne contre l’Algérie, alors qu’il se croyait déjà sur orbite pour la présidentielle de 2027.
Avec le recul, ces ultimatums, menaces et rodomontades apparaissent pour ce qu’elles sont: une arme diplomatique destinée à impressionner l’adversaire. Si celui-ci est bien assis sur ses jambes, sûr de son droit et de sa force, il peut très bien passer outre. Sans dommages.
Ce sera le cas pour la question du Sahara Occidental, si le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui n’est pas consacré dans la résolution du 30 octobre.
Mais passer outre n’est pas ignorer, ni rejeter avec dédain. Il faut, bien au contraire, prendre au sérieux cette nouvelle diplomatie, en raison de la capacité de nuisance de ceux qui l’utilisent.

