الحراك الإخباري - Quand la Chine “qualifie” ses influenceurs : de la danse virale à la classe numérique
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Quand la Chine “qualifie” ses influenceurs : de la danse virale à la classe numérique

منذ 3 ساعات|الأخبار

Ahmed Abdelkrim


À l’été 2025, la Chine a franchi un nouveau palier dans sa manière de penser les réseaux sociaux. Une série de textes législatifs exige que les créateurs de contenu — désormais appelés « influenceurs professionnels » obtiennent des diplômes ou certificats reconnus s’ils souhaitent s’exprimer publiquement sur des sujets sensibles : médecine, finance, droit, Ce qui, à première vue, peut sembler un coup de frein à la liberté numérique, s’inscrit en fait dans une stratégie plus vaste : transformer les plateformes de vidéos courtes en véritables outils d’information, de formation et de mobilisation de la jeunesse. Car oui : derrière cette mesure technique se cache une idée ambitieuse et contestée.

Un contexte mûr pour la réforme

La Chine n’a pas adopté ce dispositif par hasard. Le pays compte plus de 1 milliard d’utilisateurs de courtes vidéos. Par exemple, en 2025, plus de 92 % des utilisateurs de vidéos courtes en Chine consommaient du contenu lié à la santé.

Cette explosion d’utilisation s’est accompagnée de dérives : comptes médicaux non qualifiés, conseils de santé risqués, publicités déguisées, influenceur-médecin vendant des « remèdes » sans contrôle.

Face à cela, les régulateurs chinois : Cyberspace Administration of China (CAC), National Health Commission (NHC), et autres ont publié, notamment le 1er août 2025, des « Guidelines for Regulating Medical Science Self-Media Behaviour ». Dans le même temps, les créateurs de contenus financiers ou juridiques avaient déjà vu des obligations similaires instaurées dès 2022.

Ce cadre sert deux grandes ambitions :

• D’un côté, garantir un minimum de fiabilité pour les contenus à fort impact, santé, finance, droit, afin de protéger les citoyens.

• De l’autre, installer les plateformes comme des vecteurs de formation, de montée en compétences et de diffusion de savoirs un peu comme des amphithéâtres numériques.

La plateforme-école et l’algorithme « utile »

Au cœur de cette stratégie : Douyin :la version chinoise de TikTok. Contrairement à sa « cousine occidentale », cette application ne se contente pas de pousser de la danse ou du challenge viral. Elle héberge des milliers de profils « médecins », « professeurs », « avocats » (vérifiés) qui partagent des mini-leçons, des réponses à des questions concrètes, ou des interventions pédagogiques. Par exemple : un chirurgien de Pékin comptait 24 millions de followers, partageant des vidéos courtes sur « comment repérer un infarctus », « comment enlever un os de poisson ».

Son modèle : « Si je parle dans une conférence, je n’ai que quelques dizaines de personnes. Ici, j’ai des millions ». Mais cela va plus loin : les plateformes elles-mêmes adaptent leur algorithme pour encourager des vidéos à valeur ajoutée. Par exemple, le temps de visionnage, la complétion d’une vidéo «éducative», les interactions qualifiées (questions, sauvegardes), sont valorisés ,pas uniquement les clips ultra-viraux de trois secondes. Certaines études montrent que des contenus informationnels ont presque les mêmes chances de «percer» que des vidéos purement divertissantes

Résultat : une dynamique « vidéo utile » qui se développe. Et l’État chinois y voit un double bénéfice : monter en compétence sa jeunesse connectée, et canaliser les usages numériques vers des finalités productives.

Un modèle à deux visages : divertissement vs formation

Cette stratégie chinoise contraste nettement avec l’imaginaire occidental des plateformes de courtes vidéos. En Occident : des millions d’heures passées à regarder des danses, des « challenges », des sketches, des contenus souvent légers, voire insignifiants.

Le critère associé : engagement rapide, viralité massive. Le savoir ou l’éducation n’entrent pas toujours dans l’équation.

Le contraste est flagrant :

En Chine, l’algorithme est orienté « éducation/compétences/information ».

Dans de nombreux autres pays, l’algorithme valorise principalement l’émotion, le bruit, la répétition.

Cela ne veut pas dire que le reste du monde est vide de contenus utiles. Mais la proportion, le modèle d’affaires, l’attention publique diffèrent. Résultat : la Chine expérimente ce que certains appellent « l’école mobile », tandis que dans d’autres coins du monde, la plateforme reste avant tout un terrain de jeu digital.

Les nouveaux « influenceurs qualifiés » et leurs défis

Avec cette nouvelle donne, les influenceurs must-have :

Un diplôme/licence ou attestation professionnelle avant de s’exprimer sur la santé, le droit, la finance.

Une affiliation claire à une institution ou à un hôpital dans le cas des médecins. Une plateforme responsable : les applications doivent vérifier les créateurs, afficher leurs qualifications, et limiter ou interdire certaines formes de monétisation non transparentes.

Pour les créateurs, l’enjeu est majeur : soit passer à un niveau « sérieux », soit rester dans la zone divertissement pur. Mais cela crée aussi des tensions :

D’un côté, les professionnels de santé y voient une opportunité de rayonnement.

De l’autre, certains dénoncent un modèle de « médecin-influenceur» où l’on monétise la consultation ou vend des produits auxiliaires sous couvert de vidéos courtes .Enfin, le contrôle se renforce : des agences d’influence ou des créateurs jugés « trop commerciaux » ou « trop légers » sont désormais surveillés.

Un objectif stratégique : former la jeunesse, façon numérique

Au-delà du contrôle, ce dispositif s’inscrit dans une volonté plus large : élever le capital humain en Chine, via le numérique. Le format vidéo courtes, accessible s’impose comme un canal privilégié pour toucher les jeunes, là où la télévision traditionnelle ou les manuels peinent.

Dans les zones rurales, dans les villes secondaires, sur des smartphones connectés la vidéo mobile devient un moyen d’apprentissage. Et si le discours est validé, encadré, l’État peut ainsi espérer un impact réel : des comportements de santé meilleurs, une information plus large, des compétences montantes.

Par mimétisme, l’Afrique francophone aussi observe ce phénomène. Plusieurs pays expérimentent l’e-formation, les capsules mobiles, les « micro-écoles » sur smartphone. L’approche chinoise offre à méditer : pourquoi ne pas encourager des créateurs locaux qualifiés : médecins, agronomes, enseignants à passer du simple « TikTok divertissement » à la « TikTok compétence » ?

Mais tout n’est pas rose : liberté, standardisation et voix alternatives

Cependant, ce modèle n’est pas sans critiques :

D’abord, l’exigence de qualification peut devenir un filtre bureaucratique qui écarte les voix « hors système ». Le journaliste pourrait s’interroger : combien d’influenceurs « autodidactes mais pertinents » seront exclus ?

Ensuite, l’État détient déjà des leviers puissants, contrôler qui s’exprime, qui monétise, qui influence. Le dispositif peut donc servir aussi à contrôler le discours public, pas seulement le qualifier. Certains internautes le dénoncent. Enfin, la standardisation de l’algorithme pose question : qu’est-ce qui est « utile » ? Qui le décide ? Le risque est d’uniformiser le contenu au nom de l’« utile», et de faire disparaître la diversité des formes, des voix, des angles.

Leçons pour l’Afrique et au-delà

Pour les pays africains dont de nombreux jeunes consomment des vidéos courtes à grande vitesse cette dynamique chinoise offre plusieurs pistes :

Encourager des créateurs qualifiés (médecins, enseignants, agronomes) à investir les formats courts pour vulgariser, informer, former.

Mettre en place des règles de transparence : qualification, affiliation, source d’information sans pour autant étouffer la créativité.

Veiller à ce que l’algorithme ne privilégie pas seulement la viralité mais aussi la durée, la qualité, l’impact.

Être vigilant sur les garde-fous démocratiques : qui fixe ce qui est « qualifié» ? Qui est l’arbitre ? L’objectif n’est pas seulement d’informer mais aussi de libérer le savoir, d’encourager l’esprit critique.

De la “bêtise virale” à l’influence utile

Pendant qu’en Algérie, TikTok est souvent synonyme de danses absurdes, de polémiques superficielles et de contenus sans substance, la Chine, elle, a choisi une autre voie. Elle a fait du même outil un instrument de formation, de culture et d’élévation collective.

Là-bas, les influenceurs enseignent, expliquent, transmettent. Ici, trop souvent, ils imitent, copient, amusent, sans construire.

Ce n’est pas une question de technologie, ni de moyens. C’est une question de vision.

Car pendant que certains pays transforment leurs réseaux en espaces d’apprentissage, d’autres les laissent devenir les vitrines d’une légèreté inquiétante.

Alors posons-nous les bonnes questions :

Souhaitons-nous que nos jeunes grandissent dans un océan de bruit numérique, ou dans un environnement qui stimule leur curiosité, leur esprit critique, leur intelligence ?

Les Chinois ont compris que l’attention est la richesse du XXIᵉ siècle. Ils la cultivent.

Et nous ? Allons-nous continuer à la gaspiller en scrollant sans apprendre ?

تاريخ Oct 27, 2025