الحراك الإخباري - Le sommet Trump - Poutine va-t-il faire l'Histoire ou faire l'actu?
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Le sommet Trump - Poutine va-t-il faire l'Histoire ou faire l'actu?

منذ 16 ساعة|الأخبار

 

Abed Charef

Le président américain Donald Trump et son homologue russe Vladimir Poutine se retrouvent vendredi 15 septembre en Alaska, pour un sommet qui hésite encore: s’agira-t-il d’un sommet qui va faire l’Histoire, ou un sommet qui va juste alimenter l’actu? Assistera-t-on à une rencontre qui va influer sur la géopolitique mondiale, en contribuant à définir les contours d’un nouveau monde qui peine à émerger, ou faut-il plutôt s’attendra à une rencontre médiatique, spectaculaire, destinée à alimenter les plateaux télé et les discussions entre éditorialistes qui refont le monde, mais sans impact réel dans le monde? Diffile à dire.

Pourtant, pour une fois, le contexte semble plaider pour un sommet aux résultats plutôt sérieux, même si le côté versatile, imprévisible, du président Trump peut déjouer les pronostics. En effet, malgré les incertitudes qui planent sur le contenu, les objectifs et le déroulement du sommet, une série d’indices concernant le contexte de la rencontre, les acteurs concernés, et les modalités de préparation du sommet, plaident pour que le sommet débouche sur des résultats crédibles, même si nombre de questions resteront en suspens.

Le contexte d’abord. Durant sa campagne électorale, Donald Trump avait promis de mettre fin au conflit en Ukraine en vingt quatre heures. Certes, sa promesse relevait plus d’une rhétorique de campagne que d’un véritable engagement, mais le président américain est désireux d’en finir rapidement avec le conflit ukrainien, car la poursuite du conflit six mois après son entrée en fonction risque de porter un coup à la crédibilité de sa parole de président. Sa volonté d’en finir, il l’a affichée à sa manière. Après avoir humilié le président Volodymir Zelenski lors d’une rencontre mémorable à la Maison Blanche, il a donné à la Russie, mi-juillet, un délai de cinquante jours, pour mettre fin à la guerre en Ukraine, délai ramené le 29 juillet à dix jours.

Les russes ont laissé faire, sachant que c’est là le style Trump, mais entre-temps, les choses ont avancé. Steve Witkoff, l’envoyé spécial du président américain, s’est rendu à Moscou où il a rencontré Vladimir Poutine pour affiner les détails du sommet en préparation. Les choses sérieuses pouvaient commencer.

Et elles commencent de manière plutôt sérieuse.

Le sommet aura lieu en Alaska. Un territoire américain peu connu pour son contenu contestataire, d’ailleurs acheté par les Américains aux Russes durant la seconde moitié du XIXème siècle, et où il est possible de discuter loin des pressions médiatiques et populaires. Pas de manifestation significative en vue, pas de menace particulière contre Poutine, qui reste, faut-il le rappeler, sous le coup d’un mandat d’arrêt émis par la Cour Pénale Internationale, mandat devenu caduc depuis que les occidentaux ont refusé d’appliquer celui émis contre le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou.

La préparation du sommet a été lente, laborieuse. Signe que les dossiers ont été sérieusement préparés.

Mais c’est probablement à travers les acteurs du conflit, avec leurs atouts, leurs faiblesses, leurs objectifs et leur méthode que le sommet Trump - Poutine peut être le mieux cerné. Dans ce sommet à priori bilatéral, six acteurs se trouvent concernés: Trump avec la puissance américaine, Poutine et la Russie, l’Ukraine, l’Europe, et enfin la Chine et le reste du monde.

Pour Donald Trump, il y a un enjeu personnel et un enjeu politique dans ce sommet. Pour cet homme à l’ego surdimensionné, et qui aspire à obtenir le prix Nobel de la Paix, il s’agit d’abord de briller, d’apparaître comme l’homme providentiel capable de relever tous les défis, de rendre l’Amérique puissante tout en faisant régner la paix dans le monde. Revenir du voyage en Alaska avec un accord de paix, même partiel, serait pour lui une consécration, une apothéose. A l’inverse, un échec du sommet ternirait sérieusement son image.

Mais derrière Trump, l’État profond reste à l’affût, avec ses objectifs stratégiques. Sortir du conflit ukrainien, c’est aborder le grand grand conflit du XXIème siècle, la confrontation avec la Chine, dans de meilleures conditions. Pour les États-Unis, c’est l’enjeu majeur des prochaines années, voire des prochaines décennies. Et Trump ne peut pas s’y dérober.

Pour y arriver, il a d’abord mis la pression sur l’Ukraine. En plus des meures les plus spectaculaires annoncées en mars, Washington a annoncé ne plus être concerné par le financement de la guerre en Ukraine. En cas d’échec du sommet Trump - Poutine, ce sera aux européens d’assumer cette charge, qui semble visiblement les dépasser. Le secrétaire d’Etat Marc Rubio a rencontré les dirigeants européens pour les informer de la feuille de route envisagée, sans trop leur laisser de marge.

En tout état de cause, Trump a donné suffisamment de gages pour séduire son interlocuteur du 15 août.

Mais Poutine se présente lui aussi avec des arguments sérieux. Il a avec lui un appareil d’Etat, une administration et une armée totalement engagés dans la guerre. De plus, la situation sur le terrain lui est favorable. Plus le temps passe, plus l’armée russe grignote du terrain, tout en maintenant des objectifs définis par Poutine le 24 juin 2024: signer la paix en tenant compte de la réalité du terrain, c’est-à-dire le contrôle russe de quatre provinces russophones d’Ukraine.

Il est question, selon des négociateurs américains, d’échanges des territoires, ce qui reste plausible, mais il est difficile de croire que le joueur d’échecs qu’est Vladimir Poutine accepte d’aller à un sommet sans des garanties sérieuses. Pour un homme de son profil, il n’y a guère de place au hasard ou à l’émotion. Il y a un appareil d’Etat, qui fixe des objectifs et des échéances. Tout ce qui est fait obéit à cette logique. Lui-même n’est qu’un maillon, certes important, mais il reste un maillon dans cet engrenage auquel il doit fidélité.

Par ailleurs, si le sommet se termine favorablement pour Trump et Poutine, cela signifierait qu’il se terminerait de manière très négative pour l’Ukraine et son président Volodymyr Zelensky. Car pour l’Ukraine, c’est le pire moment pour négocier. L’armée russe occupe quatre oblasts désormais annexés, et continue de grignoter du terrain, alors que l’armée ukrainienne est non seulement incapable de faire face, mais elle est sur le point de s’effondrer.

Sur un plan strictement politique, le bilan de M. Zelensky est atterrant. Pendant qu’il jouait un rôle qui le dépassait, son pays a perdu près du quart de son territoire, en comptant la Crimée, près du quart de sa population, entre ceux qui se sont réfugiés à l’étranger et ceux qui sont devenus russes de fait, sans compter les dizaines de milliers de morts, les destructions et la dislocation de la société ukrainienne qui résulte de la guerre.

Plus cruel encore pour M. Zelinsky, il ne peut ni poursuivre la guerre ni faire la paix. Il ne peut poursuivre une guerre qu’il ne peut gagner, et dont il ne peut même pas espérer atténuer le cours, ni réduire les destructions, particulièrement après le désengagement annoncé des Américains; comme il ne peut faire la paix dans des conditions humiliantes, lui qui promettait victoires militaires et honneur à l’ombre des américains.

Derrière la déroute de M. Zelensky, se profile un autre acteur du conflit: l’Europe. Certes, en décidant de se rencontrer en Alaska, MM. Trump et Zelensky ont clairement signifié que ce sommet concernait les grands décideurs du monde moderne, ne laissant pas de prise aux acteurs secondaires, considérés comme des parasites. Le format de la rencontre exclut le moindre rôle aux seconds couteaux, même si l’Europe tente d’influer sur le sommet et, au-delà, sur le conflit ukrainien.

De fait, l’Europe n’a pas voix au chapitre, pour le moment du moins. Le département d’Etat américain a juste fait le nécessaire pour préserver les formes, en informant les alliés européens, mais il est clair que l’Europe n’est pas partie prenante de la décision.

Ce qui ne signifie pas que l’Europe est totalement exclue. En fait, l’Europe est dans ce paradoxe: elle ne peut ni faire la guerre, ni faire la paix, mais elle reste capable d’empêcher la paix. Elle l’a d’ailleurs déjà fait une première fois lorsque Russes et Ukrainiens étaient parvenus à un accord en 2022 à l’issue de pourparlers menés en Turquie, et que Boris Johnson, alors premier ministre britannique, s’était rendu à Kiev pour convaincre M. Zelinsky de refuser le traité de paix avec promesse de fournir les armes nécessaires à une victoire ukrainienne.

Aujourd’hui encore, l’Europe refuse toujours l’idée d’une paix définitive en Ukraine tant que l’issue n’est pas une défaite de la Russie. L’Europe plaide pour un cessez-le-feu temporaire, et fait campagne en ce sens, comme si les Russes étaient assez sots pour arrêter les hostilités et donner le temps à l’armée ukrainienne de se reconstituer, alors que différents signes montrent que l’armée de Kiev est sur le point de rompre, voire de s’effondrer.

Moins engagée mais tout aussi attentive, la Chine suivra avec intérêt le sommet Trump - Poutine, avec cette certitude: une issue heureuse du conflit en Ukraine va accélérer le cours de l’histoire et sonnera l’heure de la grande confrontation de ce siècle, celle qui opposera la Chine aux États-Unis.

Pékin aborde l’échéance avec beaucoup de pragmatisme, avec cette arrière-pensée: une Russie sortie, sous une forme ou une autre, vainqueur de la guerre en Ukraine sera-t-elle reconnaissante envers Donald Trump ou envers la Chine qui lui a permis de tenir face aux sanctions occidentales? Comment se positionnera la Russie, la seule puissance militaire qui compte face aux États-Unis, le jour où la Chine sera engagée dans la reprise de Taïwan?

Car là encore, c’est une question de suprématie: une Chine incluant Taïwan prendra un avantage certain pour devenir la première puissance économique mondiale.

Sans forcément établir une analogie entre Ukraine et Taïwan, la reconfiguration géopolitique aux frontières de la Russie aura un impact sur celle qui aura lieu, tôt ou tard, en Chine. Avaliser la conquête militaire en Ukraine sera considéré comme un signe de ce qui se passera plus tard à Taïwan.

Enfin, la capacité de M. Trump de faire la paix, ou non, en Ukraine, influera directement sur ce qui se passe en Palestine, où une tragédie inqualifiable se déroule sous le regard du monde entier.

Mais pour M. Trump, il ne s’agit pas de faire justice, de réparer des torts. Il s’agit tout juste de mettre de l’ordre, la guerre étant à ses yeux un désordre qui nuit aux affaires. L’inqualifiable proposition de déplacer la population de Ghaza pour y établir une Riviera a montré le cynisme qui anime le personnage.

Mais comme c’est le président des États-Unis, et comme il va rencontrer Vladimir Poutine pour éventuellement mettre fin au conflit en Ukraine, ce que n’avait pas fait l’administration Joe Biden, M. Donald Trump sera écouté religieusement. Y compris dans ses frasques les plus grotesques.

C’est l’ultime legs d’un système américain qui a tranformé la démocratie en spectacle.

تاريخ Aug 13, 2025