الحراك الإخباري - Maroc-Algérie : les habits neufs de la ruse diplomatique
إعلان
إعلان

Maroc-Algérie : les habits neufs de la ruse diplomatique

منذ يوم|الأخبار


Ahmed Abdelkrim

À la lecture du dernier discours du trône prononcé par Mohammed VI, certains observateurs peu familiers de la dynamique maghrébine ont pu croire à un tournant apaisé dans les relations entre Rabat et Alger. Une main tendue, des mots choisis, l'évocation d’un avenir commun… Mais derrière le vernis du langage diplomatique, les faits, eux, parlent un tout autre langage.

Ce que certains décrivent comme une ouverture sincère, nombreux en Algérie y voient plutôt une opération de communication soigneusement calibrée. Une tentative de "gaslighting diplomatique" : cette stratégie qui consiste à déstabiliser l'autre en niant la réalité, en semant le doute sur les intentions, et surtout, en inversant les rôles de l’agresseur et de la victime.

La stratégie du Makhzen : parler à l’Occident, endormir l’Algérie

Depuis plusieurs années, le pouvoir marocain, sous l’impulsion du Palais et de son réseau diplomatique influent, mène une politique de double discours. D’un côté, une offensive de charme menée auprès des chancelleries européennes et américaines : réformes annoncées, projets verts, accords internationaux, stabilité affichée. De l’autre, un activisme régional agressif, à peine voilé : surveillance électronique de responsables algériens à l’aide du logiciel Pegasus, rapprochement stratégique avec Israël, agitations permanentes sur la question du Sahara occidental.

Le message adressé à la communauté internationale est simple : le Maroc veut la paix, c’est l’Algérie qui refuse. Mais à l’intérieur, cette mise en scène poursuit un autre but : déstabiliser l’opinion algérienne, semer le doute, démobiliser.

Endormir pour mieux avancer

La rhétorique du roi s’adresse autant à l’Occident qu’au peuple algérien. L'idée est d’affaiblir la vigilance, de désamorcer la solidarité nationale, et surtout, de fracturer les opinions publiques. Une technique connue dans la stratégie géopolitique : susciter la division intérieure par la confusion extérieure.

Cette approche n’est pas sans rappeler certains précédents historiques.

▪️ En 1938, lors des accords de Munich, Hitler assurait vouloir la paix en Europe tout en préparant l’annexion de la Tchécoslovaquie.

▪️ Même logique en Israël : on parle de désescalade à Washington, mais on accentue la colonisation à Jérusalem-Est.

Victimisation et manipulation : une séquence bien rodée

Dans ce théâtre diplomatique, le Makhzen maîtrise parfaitement l’art de la victimisation stratégique. Se présenter comme incompris, mal aimé, injustement attaqué. Tout cela pendant que l’on provoque, teste les limites, et cherche à forcer des faits accomplis.

En Algérie, cette approche n’est pas nouvelle. Mais elle se heurte à une société plus lucide, plus politisée qu’on ne le croit depuis Rabat. L’opinion publique n’est pas dupe : derrière les appels creux à la réconciliation, c’est la tentative de décrédibiliser l’Algérie sur la scène internationale qui se joue.

Des précédents historiques éclairants

La stratégie du double discours, qui consiste à afficher des intentions pacifiques tout en poursuivant des politiques agressives ou contradictoires, n’est pas propre au Maroc. Elle a été largement utilisée dans l’histoire contemporaine par plusieurs puissances étatiques.

Israël en donne un exemple manifeste : le pays se présente sur la scène internationale comme une démocratie assiégée, cherchant la paix et la coexistence, tout en intensifiant sur le terrain les politiques de colonisation en Cisjordanie, les expropriations, les blocus prolongés sur Gaza et les opérations militaires ciblées. À chaque trêve, des déclarations d'apaisement sont formulées, mais rarement suivies d’actes concrets pour construire une paix juste et durable.

La France, pour sa part, revendique une diplomatie des droits de l’homme et de l’universalisme, tout en entretenant des relations étroites avec des régimes autoritaires dans le cadre de sa politique étrangère en Afrique et au Moyen-Orient. À titre d’exemple, Paris s’affiche comme défenseur de la démocratie au Sahel tout en soutenant, sur le terrain, des gouvernements militaires ou des intérêts économiques par le biais de grands groupes. Le contraste entre le discours officiel et les réalités de terrain révèle une realpolitik plus cynique que principielle.

Le Maroc, enfin, a institutionnalisé cette dualité : discours apaisants à l’international, notamment envers l’Europe, promesses de paix faites à l’Algérie, tout en menant une politique régionale agressive. Soutien à des réseaux de désinformation, pressions sur les instances africaines, exploitation de la question du Sahara occidental, instrumentalisation de la diaspora... Tout est mis en œuvre pour construire une image d’ouverture, pendant que les logiques d’hostilité et de domination continuent discrètement.

Ces cas illustrent une mécanique bien rodée : se faire passer pour le conciliateur, multiplier les signes de bonne volonté, tout en poursuivant en parallèle des actions de rupture ou de provocation. Une tactique destinée à gagner du temps, neutraliser l’opinion publique adverse, et préserver ses intérêts stratégiques sous un vernis diplomatique.

L’histoire ne s’écrit pas avec des slogans

Ce que redoute le pouvoir marocain, en réalité, ce n’est pas la tension avec l’Algérie : c’est l’unité algérienne. La cohésion populaire face à une menace perçue. D’où cette volonté récurrente de brouiller les lignes, de détourner l’attention, de décrédibiliser les positions officielles.

Mais les discours ne sauraient dissimuler les actes. Et la paix ne se décrète pas par les mots, elle se construit par des gestes cohérents, honnêtes, réciproques. Tant que les intentions resteront floues et les provocations régulières, la confiance sera impossible à rétablir.

Une vigilance de chaque instant

À l’heure où le monde regarde ailleurs, entre crises multiples et recompositions géopolitiques, il est essentiel de ne pas se laisser abuser par des discours séduisants mais vides. La maîtrise de l’image est devenue une arme diplomatique. Mais elle ne suffit pas à dissimuler la réalité sur le terrain.

Le rôle des analystes, des journalistes et des citoyens est aujourd’hui de décoder les intentions derrière les déclarations. Et de rappeler que la sincérité ne se mesure pas à la beauté d’un discours, mais à la constance des actes.

تاريخ Jul 31, 2025