Ahmed Abdelkrim
Début août 2025, Emmanuel Macron a adressé une lettre à François Bayrou, Premier ministre, dans laquelle il réclame un « durcissement des relations » avec Alger. Réduction des facilités consulaires, remise en cause de certains accords pratiques, durcissement des conditions de visa pour les responsables algériens : une panoplie de mesures annoncées comme un coup de semonce. Mais à y regarder de plus près, ni l’Algérie ni la communauté internationale ne semblent impressionnées.
Le président français donne l’impression d’un dirigeant qui, affaibli sur le plan intérieur, cherche à afficher une posture martiale pour compenser sa perte d’influence. Une démonstration de force de façade, qui masque mal la fragilité réelle de sa position. Face à une Algérie affirmée et sûre de ses choix, ce type de posture risque surtout d’accentuer l’isolement diplomatique de Paris.
Et la question se pose : quelle est la véritable posture d’Emmanuel Macron lorsqu’il se trouve face à des figures comme Vladimir Poutine ou Donald Trump ?
On se souvient de cette scène marquante, en février 2022, où il fut reçu par Poutine à l’extrémité d’une immense table de six mètres, image interprétée par de nombreux observateurs comme une véritable humiliation et un déséquilibre diplomatique flagrant. On se souvient également des piques de Donald Trump, alors président américain, affirmant publiquement que Macron « ne sait pas ce qu’il dit » et le renvoyant sèchement à ses affaires intérieures.
Lors du sommet du G7 à Paris en juin 2025, Emmanuel Macron a évoqué l’idée que le départ anticipé de Trump visait à négocier un cessez-le-feu entre Israël et l’Iran. Trump a vivement réfuté cette version sur sa plateforme Truth Social, qualifiant Macron de « publicity seeking world leader » (leader mondial à la recherche de publicité) : une pique claire visant à en diminuer la crédibilité.
Donald Trump choisit la mise à distance affective : en qualifiant Macron de « leader en quête de publicité », il l’infantilise, comme pour lui refuser toute stratégie crédible.
Après que Macron avait défendu l’idée d’un parapluie nucléaire européen face à la « menace russe », Vladimir Poutine a en retour réagi ainsi :
« Il existe encore des gens qui veulent retourner à l’époque de Napoléon, en oubliant comment cela s’est terminé »
Vladimir Poutine, lui, use de la mémoire historique collective : interpellant ceux « qui veulent revenir à l’époque de Napoléon », il fait allusion à Macron et l’avertit, subtilement mais publiquement, que l’ego ne suffit pas face à la réalité géopolitique.
Dans ces moment-là, le président français a semblé beaucoup moins prompt à “sortir les griffes” qu’il ne l’est aujourd’hui avec Alger.
Un écran de fumée pour masquer les crises internes
Ce durcissement n’a rien d’une stratégie réfléchie ; il ressemble à une diversion. En France, la situation est explosive :
• Une dette publique qui dépasse 115 % du PIB en 2025, soit 3 400 milliards d’euros.
• Un déficit à près de 6 % du PIB.
• Un gouvernement Bayrou fragilisé, qui tente d’imposer un plan d’austérité drastique.
• Une crise sociale qui couve, alimentée par l’inflation et la défiance vis-à-vis des institutions.
• Une politique étrangère embourbée, de la guerre en Ukraine aux tensions avec le Sahel.
Dans ce contexte, frapper du poing sur la table face à Alger sert surtout à détourner l’attention et à donner l’illusion d’un leadership fort. À l’international, ce genre de manœuvre se voit comme le nez au milieu de la figure.
L’Algérie : un partenaire qui a changé de dimension
Face à cette posture, Alger avance. Depuis dix ans, l’Algérie a déployé une politique de diversification de ses alliances :
• Énergie : accords stratégiques avec l’Italie, la Chine et la Turquie.
• Défense : coopération renforcée avec la Russie, les Etats-Unis.
• Investissements : ouverture accrue aux pays du Golfe et aux partenaires asiatiques.
• Diplomatie : rôle actif au sein de l’Union africaine et position équilibrée dans les crises régionales.
• Lutte contre le terrorisme et sécurité : Etats-Unis, Italie.
Cette autonomie stratégique change la donne : la France ne détient plus le levier économique ou politique qu’elle croyait posséder. Les menaces de sanctions ou de restrictions consulaires ont donc un impact très limité sur la réalité du partenariat. Dans le contexte des tensions avec la France, l’Algérie agit toujours dans le respect strict de la légalité internationale.
Elle honore ses accords bilatéraux, applique les principes du droit international, et privilégie le dialogue et la négociation pour régler les différends. L’Algérie rejette toute mesure unilatérale ou coercitive contraire au droit, tout en maintenant un engagement actif et responsable au sein de la communauté internationale.
Un pari risqué pour Paris
En s’attaquant à Alger sur le ton de la provocation, Emmanuel Macron prend un risque majeur : celui de s’isoler davantage dans une région où l’influence française recule déjà. Après le Mali, le Burkina Faso et le Niger, où la France a vu ses bases militaires fermer, un affrontement frontal avec l’Algérie pourrait accélérer son déclassement diplomatique en Afrique du Nord et au Sahel.
Ces derniers mois, Emmanuel Macron fait face à une série d’événements qui érodent son image et questionnent sa capacité à diriger. Parmi eux, la diffusion d’une vidéo montrant une altercation privée avec son épouse lors d’un déplacement officiel – l’incident de la gifle- a fait grand bruit, mettant en lumière des tensions personnelles difficiles à cacher et jetant une ombre sur son autorité publique.
Dans ce climat, la stature présidentielle de Macron semble se réduire à une façade fragile, où la démonstration de force peine à masquer un leadership en quête de légitimité et de renouveau.
L’Algérie, elle, progresse sereinement. Elle investit dans ses infrastructures, modernise ses forces armées, signe des contrats énergétiques stratégiques et se positionne comme un acteur clé entre Europe, Afrique et monde arabe. Autant dire qu’un coup de menton parisien ne change rien à sa trajectoire.
En fin de mandat, Emmanuel Macron semble chercher à écrire une dernière page de fermeté mais l’histoire pourrait bien retenir un chapitre de maladresse. Car face à une Algérie sûre de sa force et décidée à tracer son chemin, les gesticulations françaises ressemblent davantage à un aveu d’impuissance qu’à une démonstration de puissance. Et dans la cour des grandes nations, la crédibilité se mesure aux résultats, pas aux effets d’annonce. Ces derniers temps, le président français semble encaisser plus de gifles que d’applaudissements — et pas seulement sur la scène politique.