Ahmed Abdelkrim
À l’appel de plusieurs collectifs citoyens et syndicaux, un vaste mouvement baptisé « Bloquons Tout » se prépare pour le 10 septembre. L’objectif affiché : paralyser le pays et contraindre le gouvernement à répondre aux revendications sociales dans un contexte marqué par une inflation persistante, un pouvoir d’achat en berne et une dette publique abyssale qui dépasse désormais 3 400 milliards d’euros.
Cet appel intervient dans un climat de défiance généralisée. Les souvenirs des Gilets Jaunes – qui avaient paralysé la France entre 2018 et 2019 – planent toujours dans les esprits. Beaucoup redoutent un retour de cette colère populaire, exacerbée aujourd’hui par la hausse des prix de l’énergie, la réforme des retraites imposée malgré l’opposition massive de la rue, et la sensation que l’État ne répond plus aux préoccupations des citoyens ordinaires.
Un gouvernement affaibli et en quête de diversion
Depuis plusieurs mois, l’exécutif, désormais incarné par le Premier ministre François Bayrou – nommé après une série de remaniements et une perte de majorité relative à l’Assemblée nationale – peine à donner une direction claire. Les tensions sociales, la montée de l’extrême droite et l’absence de réformes structurantes crédibles fragilisent encore davantage le pouvoir.
Dans ce contexte, Emmanuel Macron semble avoir trouvé une échappatoire : détourner l’attention de la scène intérieure en multipliant les initiatives diplomatiques. Il s’affiche en premier plan sur la crise en Ukraine, où il tente de peser face à Moscou et Washington. Parallèlement, il multiplie les prises de position contre l’Algérie, notamment sur les questions mémorielles et énergétiques, au risque d’envenimer les relations bilatérales. Une stratégie classique, mais dangereuse : déplacer le débat à l’international pour éviter d’assumer un échec national.
Une crise économique structurelle
Au-delà des luttes sociales, la France traverse une crise économique profonde. La dette publique a franchi un seuil historique, représentant plus de 110 % du PIB. La croissance stagne, le chômage reste élevé, et l’inflation, bien qu’en léger recul, continue de grignoter le pouvoir d’achat des ménages.
Les classes populaires et moyennes, déjà fragilisées par la pandémie et la crise énergétique, subissent de plein fouet la hausse des prix alimentaires et des loyers. Les étudiants et retraités figurent parmi les plus touchés, accentuant le sentiment d’abandon d’une grande partie de la société.
Le spectre d’un « septembre noir »
Le 10 septembre pourrait marquer un tournant. Si le mouvement « Bloquons Tout » parvient à fédérer syndicats, associations et citoyens en colère, la France pourrait connaître un automne social explosif, rappelant les blocages massifs de 1995 ou les affrontements liés aux Gilets Jaunes.
Les observateurs redoutent une convergence des luttes : travailleurs du public, salariés du privé, transporteurs routiers, agriculteurs, étudiants… Une paralysie de la logistique et des transports pourrait rapidement mettre à mal l’économie nationale.
Un pouvoir fragilisé face à ses contradictions
Emmanuel Macron, qui avait promis en 2017 de transformer la France et de réformer l’Europe, laisse l’image d’un président affaibli, sans vision économique claire et prisonnier d’une dette record. Son pari d’occuper le terrain international pour détourner l’attention intérieure pourrait bien se retourner contre lui, si le pays s’embrase à nouveau.
Le 10 septembre sera un test majeur : celui de la capacité du gouvernement Bayrou à résister à une mobilisation sociale d’ampleur, mais aussi celui de la résilience d’un pays en quête de justice sociale et de nouvelles perspectives politiques.
Emmanuel Macron : de la promesse de renouveau à l’impasse politique
En 2017, Emmanuel Macron se présentait comme l’homme providentiel, le visage neuf d’une France à réinventer. Il se voulait à la fois modernisateur et bâtisseur d’une Europe souveraine. Sept ans plus tard, le bilan est d’une tout autre nature : un président affaibli, usé, sans vision économique claire, et un pays englué dans une dette abyssale de plus de 3 400 milliards d’euros. La France vit désormais au rythme de déficits chroniques, d’une inflation persistante, et d’un sentiment d’abandon partagé par des millions de citoyens.
La promesse d’une France réformée a cédé la place à la réalité d’une nation fracturée. Les réformes, souvent imposées dans la douleur – à l’image de celle des retraites – n’ont pas redonné confiance, elles ont au contraire creusé un fossé entre gouvernants et gouvernés. Dans la rue, la colère reste intacte. L’épisode des gilets jaunes, que l’on croyait enterré, menace de renaître sous de nouvelles formes, plus organisées, plus radicales.
C’est dans ce contexte qu’apparaît l’appel du mouvement « Bloquons Tout », prévu pour le 10 septembre. Syndicats, collectifs citoyens et réseaux militants appellent à une mobilisation générale, une journée qui pourrait paralyser l’économie nationale et marquer un tournant politique majeur. Le spectre d’un blocage total ressurgit, réveillant les traumatismes sociaux récents et fragilisant encore un peu plus la légitimité d’un pouvoir déjà vacillant.
Face à ce climat explosif, Emmanuel Macron et son Premier ministre François Bayrou semblent démunis. Leur stratégie ? Détourner le regard, occuper le terrain international, s’ériger en champion de l’Ukraine face à la Russie, ou multiplier les passes d’armes diplomatiques avec l’Algérie. Une fuite en avant qui n’échappe à personne : lorsque le pays est au bord de l’implosion sociale, son président préfère briller sur la scène extérieure plutôt que de répondre à la détresse intérieure.
Mais cette politique de diversion pourrait bien se retourner contre lui. Car un peuple qui se sent méprisé finit toujours par se révolter. Les manifestations du 10 septembre ne seront pas seulement un test pour le gouvernement Bayrou, elles seront aussi le révélateur de la faillite d’un quinquennat qui n’aura pas su donner un cap, ni incarner un projet fédérateur.
La France est fatiguée, la France est inquiète, la France est en colère. Et dans ce tumulte, Emmanuel Macron n’apparaît plus comme l’homme d’avenir, mais comme le symbole d’un pouvoir à bout de souffle, accroché à une scène internationale qui ne suffira plus à masquer ses échecs domestiques. Le 10 septembre pourrait bien marquer un point de non-retour.