Par Messaoud Ould Braika, Président du Collectif pour le Retour à l’Ordre Constitutionnel - Collectif du 19 Juin - C19
Le constat d’un échec historique: Cinq ans après la prise du pouvoir par le colonel — aujourd’hui général — Assimi Goïta, le Mali s’enfonce dans une crise structurelle qui dépasse le simple registre politique.
Le régime de transition, initialement fondé sur le triptyque « Défense, Diplomatie, Développement » (les 3D), s’est mué en une mécanique d’auto-préservation, déconnectée de sa mission première.
Les 3D promis en 18 mois, puis rallongés à 24, ont finalement débouché sur une durée indéterminée.
Et les résultats sont sans équivoque :
•Défense : l’insécurité est trois fois plus élevée que sous le régime précédent, avec des zones entières du territoire sous la coupe de groupes armés, malgré un discours triomphaliste de “souveraineté retrouvée”.
•Diplomatie : le Mali connaît les tensions diplomatiques les plus profondes de son histoire moderne, se coupant de ses partenaires régionaux, internationaux et même de ses voisins immédiats.
•Développement : la survie quotidienne est devenue le seul horizon de millions de Maliens ; l’économie s’effondre, les prix flambent, et les infrastructures se dégradent à vue d’œil.
Pour tout observateur averti, la conclusion s’impose : le régime militaire n’a ni plan pour le Mali, ni projet de redressement.
Il n’a qu’un instinct de survie, un réflexe de pouvoir qui se nourrit de la peur, de la propagande et du silence forcé.
*Un pouvoir sans horizon : le piège du nationalisme de façade*
L’une des grandes habiletés politiques du régime Goïta aura été d’envelopper son autoritarisme dans un discours de “patriotisme offensif”. Ce discours, qui assimile toute critique du pouvoir à une trahison du Mali, a progressivement étouffé le débat public et neutralisé les forces vives de la nation.
Pourtant, aimer le Mali, ce n’est pas aimer un régime, c’est défendre les principes qui fondent la République : la légalité, la justice, la responsabilité. Le général Goïta, comme tout citoyen malien, n’est pas au-dessus de la loi. Son échec n’est pas celui du Mali, et la survie du pays ne saurait dépendre de son maintien au pouvoir. La logique actuelle — celle d’un pouvoir militaire s’imposant par le silence des armes et la peur des représailles — conduit inévitablement à l’effondrement institutionnel et au risque d’un nouveau putsch. C’est précisément ce scénario qu’il faut éviter.
*Sauvons le Mali du pire !*
Il ne s’agit pas de chercher un coup d’État contre un autre, ni de remplacer des uniformes par d’autres uniformes. Il s’agit de rétablir le droit comme fondement de la stabilité. Il faut sortir du cercle vicieux des transitions sans fin, où la suspension de la Constitution devient une méthode de gouvernance. Le Mali doit renouer avec la légalité républicaine. La loi doit redevenir l’arbitre des crises, et non leur victime.
*Sept mesures urgentes pour restaurer la légalité et sauver la République :*
1 – Reconnaissance de la vacance du pouvoir : Conformément à l’article 53 de la Constitution du 22 juillet 2023, la Cour constitutionnelle doit constater la vacance de pouvoir résultant de l’incapacité manifeste des autorités actuelles à remplir les fonctions régaliennes de l’État.
Ce constat ne serait pas un acte politique, mais un devoir juridique, une application stricte de la loi suprême.
2 – Restauration du pluralisme politique : La dissolution de fait des partis politiques a transformé la transition en régime de parti unique de facto.
Il est urgent de rétablir la liberté d’association et d’expression politique, conformément aux dispositions constitutionnelles qui consacrent le caractère démocratique et pluraliste de la République du Mali.
Sans partis, il n’y a ni démocratie, ni légitimité populaire.
3 – Libération des détenus politiques et retour des exilés : La libération immédiate des détenus politiques, ainsi que le retour sécurisé des exilés (civils ou militaires) doivent constituer le premier pas d’un dialogue sincère vers la réconciliation nationale.
Nul ne peut prétendre bâtir la paix en emprisonnant la moitié de la parole nationale.
4– Libération des otages civils et militaires : Le gouvernement doit engager des pourparlers de libération pour les militaires et civils maliens retenus en otage, dans le cadre d’une politique de sécurité humaine et non de vengeance. Un État fort n’est pas celui qui nie ses victimes, mais celui qui les protège.
5 – Encadrement juridique d’une transition civile: L’article 53 de la Constitution prévoit une transition civile de quatre (4) mois, renouvelable sur la base d’un dialogue politique national.
Il ne s’agit pas d’un détail constitutionnel, mais d’un mécanisme de sauvegarde républicaine. Une telle transition, encadrée juridiquement et supervisée par la Cour constitutionnelle, permettrait de restaurer la légitimité du pouvoir exécutif sans confrontation.
6 – Dialogue inclusif avec les groupes armés : Le retour à la paix passe par la reconnaissance politique des réalités territoriales et communautaires. Des pourparlers doivent être engagés avec les groupes armés pour convenir d’une trêve nationale, d’une cessation des hostilités et de garanties électorales sécurisées. C’est par la négociation, et non par la guerre totale, que s’ouvrira la voie à une paix durable.
7– Mise en place d’un observatoire international indépendant: Afin d’assurer la transparence du processus de retour à l’ordre constitutionnel, il est impératif de créer un Observatoire international indépendant du processus de transition civile au Mali, composé d’experts africains, d’observateurs des Nations unies et de représentants de la société civile malienne. Cet organe aurait pour mission de suivre les engagements, d’en vérifier l’application et d’accompagner le Mali vers des élections libres, crédibles et inclusives.
Le Mali ne peut continuer à confondre la stabilité du régime avec la stabilité de l’État.
Les deux ne sont pas synonymes.
Un État fort se bâtit sur le droit, non sur la peur. Un peuple libre ne se libère pas en se taisant, mais en exigeant que la Constitution redevienne la boussole.
Les transitions sans fin ne sont pas une solution, elles sont une défaite.
Il est temps que le Mali sorte du cycle des coups d’État pour entrer enfin dans celui de la Constitution appliquée.
Sauvons le Mali du pire, en restaurant la loi, pas les armes.

