Moncef Abdelaziz, consultant en stratégie et intelligence économique
Le quatrième jour de l’Intra-African Trade Fair (IATF), qui se tient à Alger, a réuni entrepreneurs, investisseurs et responsables venus de tout le continent. Plus qu’un simple rendez-vous commercial, cette journée a ressemblé à une grande conversation africaine, où l’on parle de souveraineté économique, d’innovation et surtout de leadership.
De l’Afrique consommatrice à l’Afrique créatrice
Dès la matinée, un panel d’industriels et d’entrepreneurs reconnus à l’international a ouvert les débats. Les intervenants l’ont affirmé avec force : l’Afrique ne doit plus se contenter d’être un marché captif pour les produits venus d’ailleurs, mais devenir un espace de production et d’innovation. Le temps est venu de créer localement, de transformer sur place et de maîtriser toute la chaîne de valeur.
Technologie : le saut africain
Un autre temps fort a porté sur l’écosystème technologique du continent. Intelligence artificielle, blockchain, fintech, e-commerce, data centers : autant de secteurs où l’Afrique surprend déjà par sa capacité à sauter des étapes et à proposer des solutions inédites à ses propres défis. La jeunesse, connectée et inventive, ne se contente plus de suivre le mouvement mondial : elle invente, adapte, et transforme. Aux yeux des investisseurs, ce n’est plus la vulnérabilité du continent qui attire, mais sa créativité et son potentiel de rupture.
Nourrir l’Afrique par elle-même
Le constat partagé par les experts de l’agribusiness est sans équivoque : l’Afrique, qui dispose de 60 % des terres arables non exploitées au monde, continue de dépenser près de 78 milliards de dollars chaque année en importations alimentaires. Une absurdité qui appelle une réponse urgente : bâtir une véritable autonomie agricole et alimentaire. L’Algérie, longtemps importatrice, affiche déjà la volonté de renverser cette tendance en stimulant la production locale et la transformation agro-industrielle.
Penser les villes de demain
Face à l’urbanisation rapide – 1,3 milliard d’Africains vivront en ville d’ici 2050 – les discussions sur l’infrastructure urbaine ont pris une dimension presque civilisationnelle. Logement, santé, sécurité, mobilité, énergie : tout est à construire. Les intervenants ont insisté sur la nécessité de créer des villes durables, inclusives et intelligentes, capables d’absorber la croissance démographique tout en offrant une qualité de vie digne du XXIᵉ siècle.
L’Algérie et sa jeunesse au cœur de la transformation
Au fil des débats, l’Algérie s’est affirmée comme une force de proposition. Son ambition est claire : miser sur l’innovation et la créativité de sa jeunesse. Dans un pays où plus de la moitié de la population a moins de 30 ans, la clé du futur repose sur l’investissement dans l’imaginaire, l’ingéniosité et la capacité des jeunes à inventer de nouveaux modèles. Le message politique comme entrepreneurial converge : la rente ne peut plus être l’avenir, seul l’humain l’est.
Leadership incarné : trois visages algériens
Un des moments les plus marquants fut sans doute le panel réunissant trois figures du monde économique algérien :
• M. Amor Habbes, directeur général de Faderco et architecte de formation. Il a rappelé que bâtir une entreprise, c’est avant tout investir dans les hommes et les femmes, et que l’innovation comme le développement doivent rester des priorités absolues.
• M. Abdenour Souakri, président du groupe Souakri. Dans une intervention marquée par la sincérité, il a insisté sur la valeur du travail acharné et de l’exemple donné au quotidien. Pour lui, rien de durable ne se construit sans effort et sans discipline.
• M.Abdelouahed Kerrar, vice-président exécutif du Groupe Biopharm Spa et de ses filiales. Il a pour sa part souligné l’importance de l’organisation, du management de proximité et de l’attention au détail, des piliers qui font la différence entre un projet fragile et une entreprise pérenne.
Ces échanges, riches et incarnés, ont offert un visage humain et concret du leadership africain : rigoureux mais visionnaire, ancré dans le réel mais tourné vers l’avenir.
Vers un écosystème africain de croissance
Enfin, un panel réunissant plusieurs PDG africains de secteurs variés – technologie, énergies renouvelables, fintech, agriculture – a élargi la réflexion. Leur constat commun : le potentiel est immense, mais il exige un écosystème clair et prévisible.
Les États doivent jouer leur rôle de facilitateur, le secteur privé doit assumer sa responsabilité d’innovateur, et les investisseurs internationaux doivent se comporter en partenaires, pas en prédateurs.
Une Afrique qui croit en elle-même
Dans le même esprit, il a été rappelé que la jeunesse africaine doit apprendre à communiquer davantage, à échanger entre elle, à créer et développer des think tanks locaux, véritables laboratoires d’idées pour accompagner les mutations économiques. Elle doit aussi être encouragée à investir le champ de la recherche et du développement, en s’inspirant des meilleures pratiques des universités africaines et internationales, afin de nourrir un progrès endogène et durable.
Alger, un tournant pour l’Afrique
Au terme de ce quatrième jour, une évidence s’impose : l’IATF 2025 à Alger n’est pas une édition comme les autres. Elle marque un véritable tournant, non seulement pour l’Algérie, mais pour l’Afrique tout entière.
Jamais le continent n’avait réuni autant de visions, d’expériences et de talents dans un même lieu, avec une telle intensité. Alger a su offrir un cadre où les idées circulent, où les entrepreneurs dialoguent, où les décideurs écoutent, et où la jeunesse trouve sa place dans la conversation.
Cette édition n’a pas seulement montré ce que l’Afrique est capable de faire, elle a démontré ce qu’elle veut devenir : un continent maître de son destin, fier de ses forces, et ouvert à un futur qu’il construit lui-même.
À travers ses débats, ses panels et ses rencontres, l’IATF d’Alger s’est imposé comme une véritable vitrine du génie africain, un rendez-vous où l’optimisme se conjugue à la lucidité, et où l’avenir prend forme.